Voila, on y est. Il arrive, le tout dernier post bordelais de ce blog. Cela faisait quelques mois, déjà, que je pensais à cet article. Il ne sera pas meilleur que d’autres. Il aura juste la saveur particulière du dernier.
Je dois vous soûler, à la longue, avec mes dernières fois, non? Désolé, c’est passager, bientôt vous aurez droit aux pérégrinations lamentables d’un provincial en stage à Paris. Voila qui devrait être beaucoup plus excitant à lire… Donc, ce 13 avril 2008, je quitte Bordeaux, la ville qui m’a accueilli il y a bientôt cinq ans. Je me souviens assez mal de ce que j’étais à cette époque précise. Je ne crois pas avoir tant changé que ça. Pourtant, à revoir des photos de l’époque, on pourrait croire que si. A 23 ans, on peut être vachement moins moche qu’à 18. Bon, je ne suis toujours pas beau, hein, mais j’accepte de me voir en photo. C’est déjà un progrès énorme, peu de gens s’en rendent compte. La fin d’année scolaire 2003 fut marquée, outre par le bac, par cette série de concours auxquels j’étais inscrit, avec le fébrile espoir de quitter la maison familiale et de me découvrir, enfin, loin du petit monde du fin fond de la Seine-et-Marne. Je dis ça sans mépris. C’était le cas à l’époque, ça a continué de l’être dans les quelques années qui ont suivi. Aujourd’hui, je suis assez apaisé lorsque je pense à mon patelin, à mes amis de lycée, à ce qu’était ma vie à cette époque. Même si je suis un peu devenu la brebis galeuse, le pédé qui vote à gauche et qui n’a pas conscience de la réalité sociale rencontrée au quotidien par les siens. Dans le fond, je me suis aussi construit là-bas, et pas seulement dans mes défauts d’autiste égocentrique. Je peux dire que mes premières années ont forgé le gentil garçon un peu gauche qui ne sait pas se dépatouiller en société (encore un nouvel exemple frappant au gala d’hier soir, le dernier lui aussi, où je me suis couvert de ridicule, murgé au point d’avoir un trou de mémoire d’environ 2 heures sur ma soirée, et évacué par des secouristes d’un car dont je n’ai pas la moindre idée de comment je me suis retrouvé dedans), et que, dans le fond, les gens savent apprécier (enfin, à petites doses, hein).
Mais alors, que m’a apporté Bordeaux? Mille choses, pas toutes racontables ici faute de temps, mais qui comptent autant que les 18 premières années de ma vie. Tout d’abord, la microscopique dose de confiance en moi qui m’a rendu sociable, passant du célèbre et suicidaire Autodestruction-Man au bien plus agréable Vinshlor. Ces deux surnoms légèrement grotesques (ah bon?), attribués à ma personne par des langues de putes professionnelles devenues mes grognasses favorites, me suivent encore par moments. Et ils incarnent bien le changement léger qui s’est opéré en moi en première année. Je ne m’aime pas beaucoup, mais je vis assez bien avec mes petits défauts, aujourd’hui. Après tout, je ne peux pas être si mauvais que ça: j’ai eu un concours, j’ai des amis, je suis sorti avec des garçons très bien, j’ai un Poussin… J’ai pu comprendre et accepter tout ça, sans devenir (trop) prétentieux, depuis que je vis à Bordeaux. Alors relativisons la dépression.
Car si la prise de confiance en soi est un effet secondaire apprécié, la vraie révolution de la vie bordelaise, elle a été dans ces nouveautés constatées trois lignes plus haut: les amis, les sorties, l’épanouissement personnel non dicté par les poids familiaux et scolaires. Et les garçons, bien sûr. La première histoire, les suivantes. La vie d’un étudiant pédé, ce qu’il apprend de l’école et des autres. Et Bordeaux elle-même, la ville où je me suis approprié les rues, les monuments, les magasins, les endroits où j’ai vécu, et que je considère aujourd’hui comme mon chez-moi.
C’est donc le cœur gros que je pars, laissant au passage ce blog légèrement à l’abandon le temps de récupérer une connexion Internet. Mais je sais aussi que la vie ne s’arrête pas là, et que je dois me retenir de regretter, autant que possible. Être étudiant ici a été une expérience merveilleuse. Cinq ans d’une vie insouciante, formatrice et digne d’un mauvais sitcom, dans un décor magnifique, qui va nous manquer j’en suis sûr. Mais une nouvelle étape commence, une vie moins insouciante, le premier pas chez les grands… Un nouveau décor s’impose, pour laisser les souvenirs et la nostalgie ici. Au moins, comme ça, on aura un port d’attache pour nos week-ends de déprime, et on pourra revenir ici en braillant « Maisoooooon!! » d’un voix rauque et sexy. Et franchement, selon moi, Bordeaux, sans être étudiant et sans quelques potes qui partagent le même sort que soi, c’est probablement moins drôle. Autant ne pas s’accrocher au passé sans but. J’aime cette ville pour les cinq années que j’y ai passé, et c’est pour continuer à l’aimer de la même manière que je m’en vais.
Alors voila, je vous laisse pendant quelques jours, « thanks love, thanks life, it’s true that there are some angels in this city!! », comme dirait l’autre. Oui, terminons par un merci, moi aussi je pourrais avoir un oscar si je voulais. Donc merci. A qui? Merci à la vie, pour les cinq années de découverte de moi-même, de bouleversements, d’érudition, de rencontres et d’amitiés qu’elle vient de m’offrir et que, où que j’aille, je n’oublierai jamais.