Bon, apparemment l’une des chiennes de mes parents aussi a un cancer. Ma mère était en PLS, c’est devenu le thème de son année 2025. Mes parents devraient être habitués, pourtant. Cela fait trente ans qu’ils enchaînent les bouledogues français les uns après les autres, et ces petites boules d’amour à la santé fragile et à la consanguinité avancée développent invariablement des maladies incurables autour de 9-10 ans. Cette fois-ci, encore une fois, c’est une espèce de boule de graisse, comme un abcès, qui a semblé lui pousser sur une patte arrière. Il y a eu une opération chez le vétérinaire pour lui enlever le truc, une biopsie, et le verdict, le même qu’avec les précédents : cellules cancéreuses, risque invasif sur les autres organes, ca risque de dégénérer dans les prochains mois. Pour l’instant, la petite va bien. Elle court dans le jardin, elle bouffe comme un goret, elle ronfle et elle pète sur le canapé. Comme si de rien n’était, donc. Mais que décider, dans ce genre de cas ? Je veux dire, au-delà des comparaisons entre humain et chien qui font que bien sûr, s’il fallait choisir, on sauverait mon père plutôt que le chien (mais heureusement on ne nous demande pas de choisir), se pose la question des coûts et des gains pour un “vieux” chien. Est-ce que cela vaut la peine de soumettre un chien de cette taille a des radiations et de la chimio ? Est-ce que ça va marcher ? Et si oui, est-ce que ça va prolonger sa vie de six mois ? D’un an ? De deux ? Est-ce qu’elle ne vivra pas plus heureuse un an de plus sans traitement que dix-huit mois complètement flinguée par le traitement ? Pour mon père, la question ne se pose pas : il peut encore vivre vingt, trente ans. Cela vaut la peine de s’emmerder à faire six mois ou un an de traitement lourd, si en fin de compte ça doit marcher. Mais pour un vieux chien, c’est un crève-cœur. Parce que la fatalité est là. Dans deux ans, elle ne sera plus là, on le sait déjà, plus ou moins, à quelques mois près. Alors, qu’est-ce qui en vaut davantage la peine ? Se battre avec elle à base de traitements, au risque de la voir souffrir et, peut-être, survivre jusqu’en 2027 ? Ou la laisser insouciante, quitte à la voir mourir dans six ou huit mois et ne souffrir qu’à la toute fin, peut-être ? Pour ma part, cela me désole, parce que des deux, c’est celle qui m’adore et qui me suit partout lorsque je vais chez mes parents. Elle me saute dessus quand j’arrive, me suit dans ma chambre, dans le jardin, sur les canapés et jusque dans la salle de bain si je ne ferme pas la porte. Ça me fait de la peine d’imaginer que quand je rentrerai en France elle ne sera plus là, ou bien elle sera franchement diminuée et sur la fin. J’arrive à mettre à distance les photos de mon père avec ses cheveux rasés et son tuyaux dans le nez parce que je me dis que c’est provisoire et que ce sera probablement terminé quand je le reverrai. Mais un chien de neuf ans, c’est un diagnostic moins optimiste, forcément. En plus, la pauvre, elle n’aura vécu que sous Macron, c’est moche. Ma mère est bizarrement plus émue quand elle parle du cancer du chien que quand elle parle de celui de mon père. Pour les mêmes raisons que celles que je viens d’énumérer, je suppose. Mon père s’en sera probablement sorti d’ici un an, alors que le chien est mal barré, avec ou sans son diagnostic de cancer. “Je crois qu’elle se sait malade, elle me suit partout, elle a changé” me dit-elle avec une voix étranglée au téléphone. Mais non ! Cette bestiole est co-dépendante depuis toujours et te suit partout depuis le premier jour, tu te plains depuis dix ans qu’elle te traîne dans les pattes et que tu trébuches dessus trois fois par jour. C’est juste que ca te brise le coeur, tous les dix ans, de voir ton chien vieillir et approcher la mort, que tu vas pleurer pendant des jours quand elle mourra, que tu refuseras de la remplacer pendant des semaines, et puis, quelques mois plus tard, quand inévitablement l’occasion d’adopter un bouledogue francais se présentera à nouveau (car elle se présente toujours), eh bah tu craqueras et tu en adopteras un autre. La vie de nos animaux de compagnie n’est qu’un des cycles de la nôtre. Ce qui est triste, évidemment, mais contribue peut-être à nous habituer au chagrin qui va, de toute façon, ponctuer nos vies, à la fin, qu’on ait de la chance ou non.
Matoo
novembre 22, 2025 at 7:01Bon dans tous les cas, elle risque de n’avoir connu que Macron, c’est vrai qu’on lui souhaiterait une autre vie ! ;)) C’est bien triste pour vous en tout cas, la suite sera forcément pas cool. :(((