La dose d’un autre

 

C’est une vraie galère d’obtenir un rendez-vous de vaccination contre la variole du singe. Ce qui est à la fois rassurant et frustrant. Rassurant parce cela montre que les populations à risque, qu’on pourrait grossièrement résumer, actuellement, aux LGBT sous Prep, se sont jetés sur les créneaux disponibles, sont très volontaires pour contenir l’épidémie, prennent leurs responsabilités avant que les cas ne s’étendent à des hétéros puis à la population générale. Mais frustrant parce qu’il n’y a manifestement pas assez de moyens mis en face. Et une communication flinguée, comme souvent quand il s’agit de santé.

 

 

« Les nouveaux créneaux sont ouverts chaque vendredi pour la semaine suivante ». Résultat des courses : aucun créneau disponible pour la semaine suivante, et des créneaux disponibles en août et en septembre, pile aux moments où je ne suis pas à Lyon. Je vais aller choper ma première dose à Paris, faute de solutions, en profitant d’un de mes déplacements là-bas. Mais je n’ai rien en vue, pour le moment, pour la deuxième dose, 28 jours plus tard. Ça va encore se terminer comme ça : en bricolage de doses réservées ici ou là selon mes déplacements à Paris ou ailleurs, comme pour le covid, histoire de coller au schéma « première dose + deuxième dose 28 jours plus tard ». Limite je vais devoir faire une heure d’autoroute jusqu’à Grenoble pour choper ma deuxième dose, à la fin… et du coup probablement la piquer à un grenoblois qui en aurait eu tout autant besoin que moi. La dose d’un autre. J’ai honte d’aller piquer des doses destinées à la population d’une autre ville, d’une autre région, parce que la mesure du besoin n’a pas été prise dans ma propre ville, qu’on a diffusé le vaccin au compte-goutte, traîné des pieds pour ouvrir les centres de vaccination.

 

Pendant ce temps, toujours pas beaucoup de transparence du côté des autorités sanitaires sur la disponibilité des doses et l’évolution de la situation. Bientôt les premiers cas seront déclarés chez des personnes hors des « populations à risque », et ce sera un scandale largement médiatisé, et les homos seront montrés du doigt, comme pour le VIH, pour avoir été la première population touchée.

 

 

Et déjà, pour tout le monde, même au sein de la communauté LGBT, ça semble se définir comme une maladie de pédés et de travailleuses et travailleurs du sexe, sous-entendu une maladie honteuse, une chtouille due à la promiscuité et à la fréquentation des bordels et des partouzes, un truc d’irresponsables, de gens dégoûtants et vicieux qui l’ont bien cherché, bref la stigmatisation et le slut shaming sont au top… Alors que la variole du singe n’est pas une IST, mais une maladie contagieuse qui se propage notamment par contact de la peau. Contact qui peut donc survenir largement en-dehors du sexe. Mais non, laissons donc les pédés se contaminer largement tout l’été, ça se tassera à la rentrée, les gars. Jusqu’à, pour reprendre ce tweet, que des parents d’enfants en bas âge se rendent compte avec horreur que la « deuxième varicelle » déclarée par leur bambin n’est pas une varicelle…

2 thoughts on “La dose d’un autre

  1. Matoo

    juillet 19, 2022 at 7:13

    Le discours est tout de même subtil quand je vois nos amis pédales s’écharper sur les internets, avec ceux qui recommandent assez sagement l’abstinence pendant quelques semaines (ou les trucs les plus exposés et multi-partenaires), et ceux qui tout aussi sages engueulent le gouvernement et son inaction (on est tous d’accord), ceux qui veulent pointer le truc gay car c’est une réalité (mais pas du tout une finalité) et que ça permet aux concernés d’être au jus, ceux qui voudraient qu’on en parle pas du tout pour ne pas stigmatiser. Bref, comme d’hab, tout ce vaut selon le dosage, le contexte et à qui on parle. 😀 Et le slut-shaming qui me fout tellement en rogne !!!

    • Vinsh

      juillet 20, 2022 at 3:00

      C’est triste parce que ça finit vite par tourner autour de ça, de l’abstinence, alors que le vaccin existe, et qu’on est tous tiraillés entre l’envie de profiter de notre été et l’envie de préserver l’image d’une communauté « responsable ». Franchement, me dire que je vais flipper et « rester sage » jusqu’en octobre ou novembre, ça me fout le seum, je dois l’avouer.
      Mais ça passerait mieux si on n’avait pas déjà un vaccin sous la main : là on se dit qu’on pourrait s’éviter les symptômes, la contagion et la crise sanitaire, mais qu’on n’a juste pas assez de doses ou pas assez de personnes disponibles pour les administrer, ça rend fou.

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