dans tes DMs

Ce qui est marrant, c’est qu’au début de cette conversation avec Devin, on ne parlait pas du tout de mon moral en berne et de mon probable retour en France. C’est moi qui ai dévié lorsqu’on en est arrivés au “et toi comment ça va ?”, mais le point de départ de la conversation, c’était lui qui m’engueulait de l’inonder de Reels dans ses DMs Instagram. En gros, il m’expliquait qu’il comprenait que pour l’envoyeur c’était mignon, que c’était un signe d’amitié et d’intérêt, une marque de “j’ai vu ça et j’ai pensé a toi”, de “j’ai pensé que ça te ferait rire et que ça illuminerait ta journée”. L’intention de l’envoyeur n’est donc pas mauvaise. Mais du côté du destinataire, se connecter à Instagram en sortant du boulot et tomber sur une farandole de 28 vidéos, qui durent toutes entre 30 secondes et 2 minutes, et l’injonction tacite de toutes les regarder et de réagir à chacune avec un emoji coeur ou mort de rire, c’est un peu lourd. Overwhelming, comme ils disent ici. Et cela m’a fait réfléchir à mes propres pratiques, car trop souvent la perspective des autres m’échappe jusqu’à ce que je me la prenne dans la tronche. Je ne suis pas le meilleur en empathie. Dans le cas des DMs Instagram, chez moi il y a trois cas de figure : le premier ce sont les relations Instagram les relations à “double sens” où l’on s’envoie des conneries à peu près tous les jours, mais rien d’écrasant non plus (en proportions, tu m’envoies trois vidéos dans la journée et je t’en envoie trois, à un moment un peu random de la journée, quand tu scrolles dans le métro ou aux toilettes). Pour moi, ce sont majoritairement les potes de la “vraie” vie, là ou il y a un passé, un historique, des private jokes, et on envoie donc spécifiquement les deux ou trois Reels qui nous font penser à la personne et à ses marottes, ou à une conversation récente ou à un truc qui nous fait rire ensemble. Ce cas de figure, pour moi, il est plutôt cool, même s’il entretient le cercle vicieux du doomscrolling et de l’algorithme qui te propose toujours des vidéos stupides sur les bouledogues français, sur RuPaul’s Drag Race, sur les Grammy Awards, sur Dua Lipa, ou sur les gens qui chutent lourdement. C’est un moyen de rester en contact, même superficiel, avec les potes. La deuxième manière de faire, en matière de DMs, c’est la simple réaction aux stories des autres. Il y a des gens avec qui j’ai l’impression de rester en contact juste en réagissant à leur stories par un emoji flamme ou un emoji qui pleure de rire une ou deux fois par mois. Ces cas-la, ce sont plutôt les connaissances plus lointaines, les mecs rencontrés en vacances ou les followers qu’on suit “au physique”. La conversation n’a pas forcément vocation à s’approfondir. Et puis il y a les malheureux qui se ramassent 15 reels par jour dans leur DMs, sans que je n’arrive à les classer dans une seule catégorie, avec une seule motivation et raison de les inonder de vidéos stupides comme ça. Dans le lot, il va y avoir du meilleur ami, de la pote “terminally connected”, des gens que je drague et qui me draguent, des potes d’Instagram qui s’emmerdent au boulot… Et c’est vrai que c’est stupide, quand on y pense, parce que ça nous fait doomscroller comme des malades et que ça nous donne l’illusion de communiquer, de nous connecter et de “rester en contact” alors qu’on peut passer des semaines comme ça à s’envoyer des videos à la con tous les jours sans s’échanger un mot. 

Alors j’ai décidé de prendre la critique de Devin en compte et d’envoyer moins de Reels àa mes potes et d’être plus sélectif, et de ne leur envoyer que les quelques contenus dont je pense qu’ils me permettront de déclencher une conversation ou au moins une réaction pour ne pas les mettre dans un état de stress face à une avalanche de 36 Reels tous les soirs. Et surtout, j’ai décidé de me remettre à faire quelque chose que je fais de moins en moins en DM sur Instagram : j’ai décidé d’utiliser ce canal de communication plus souvent pour écrire des messages (qui y aurait pensé ?), pour vraiment avoir l’impression de parler et de rester en contact et connecte avec les gens. Parce que, certes, ça prend plus de temps que les deux secondes pour cliquer sur le bouton Envoyer en bas d’une vidéo de chat qui a peur d’un concombre, mais peut-être que de l’autre côté de l’écran les amis, les plans culs et les gars d’Instagram qui m’ont roulé une pelle une fois en boite me trouveront cringe, needy ou avec un peu de chance plus intéressant et plus digne de garder le contact. Ou, à tout le moins, ils seront davantage touchés par quelques mots écrits à leur intention que stressés par 17 Reels à se fader pendant leur pause caca.

Laisser un commentaire

Votre courriel ne sera pas publiée. Les champs Nom et Courriel sont obligatoires.

*