Easy on me

 

 

 

A ce stade, Adele est moins une chanteuse qu’un phénomène commercial dont les performances stratosphériques dans les charts mondiaux sont un peu le point d’orgue de la promotion. Dans le fond, quand 30 sortira d’ici quelques semaines, on regardera davantage dans combien de pays il sera n°1, et à combien de millions d’exemplaires il se vendra, qu’on ne cherchera véritablement à analyser le potentiel tubesque des chansons qu’il contiendra. Évidemment que deux ou trois d’entre elles, selon l’exploitation qu’elle décidera de faire de cet album, deviendront des tubes. Adele est à cette étape de sa carrière où elle a un statut « too big to fail », qui fait que dès qu’elle sortira un single, les radios le diffuseront, les fans le soutiendront en masse, et le grand public l’écoutera au moins par curiosité pour ce morceau forcément blockbuster.

 

Dans quelques années, elle sera probablement une de ces icônes vénérées, qui vendent moins qu’avant mais dont les tournées mondiales se vendront sans problème, et dont chaque nouvel album sera un petit événement médiatique, même si elle n’en vendra plus 20 millions d’exemplaires à chaque fois. Sauf faute de parcours majeure, la chanteuse britannique sera la Céline Dion de cette première moitié de 21ème siècle. Une sorte de superstar sans le côté cramé par la vie que pouvaient avoir les mégastars bigger than life des années 80-90. Elle fera probablement de plus longs os que Michael Jackson ou Whitney Houston. C’est évidemment difficile d’imaginer qu’elle aura un impact aussi fort (en-dehors des chiffres faramineux, sa musique est sympa mais ne révolutionne pas grand-chose) ou qu’elle sera l’un des noms les plus connus de la planète comme Madonna ou Jackson, mais à vrai dire, c’est plus ou moins déjà le cas.

 

Adele Adkins va de toute façon marquer l’histoire de la musique. Parce qu’elle l’a déjà fait avec 21 et ses records. Parce qu’elle a touché une audience si large que tout le monde la connaît où a déjà vu passer un de ses albums, que ce soit dans ses mains ou sous le sapin de Noël de sa nièce. Parce qu’elle incarne la success story moderne de la petite grosse issue d’un milieu populaire et qui, par son talent et son élégance, devient la coqueluche du monde entier. A l’heure où la musique entame sa vraie mondialisation, et où des artistes africains et asiatiques commencent à se faire de vraies places dans les charts occidentaux, dans un marché musical qui n’a cessé de se transformer depuis vingt ans, ses performances commerciales ne peuvent que la hisser au niveau des Céline, Mariah ou Whitney, dont les exploits d’il y a trente ans irriguent encore l’image publique aujourd’hui. Faute d’avoir entendu davantage sur ce nouvel album, difficile de dire si Easy on me est un bon choix de lead single. Cela dépend probablement de ce que la maison de disque souhaite faire avec le nouvel album : une continuité ou une rupture dans la discographie et l’image de la chanteuse. A priori ici on est plutôt dans une continuité, un quasi-pilote automatique. 30 sera l’album blockbuster de Noël, dont les ventes le propulseront favoris des Grammy Awards en 2023 (il sortira hors période d’éligibilité pour la cérémonie de 2022). On l’écoutera en fond sonore ou on pleurera en silence en écoutant au casque ses ballades les plus déprimantes. Adele Adkins va marquer l’histoire parce qu’elle aura été la bande originale de nos années emo, dans une société qui nous semble aller de plus en plus mal depuis 2008 (l’année de sortie de 19, son premier album). Savoir qu’elle sera là, à chaque tournant, avec ses chansons tristement optimistes, sera un peu notre consolation, notre rassurante certitude dans une vie qui ne nous en donne plus beaucoup d’autres.

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