Les couilles de cristal

 

 

En reprenant le métro à Paris ce week-end, je me suis aperçu d’un truc : j’ai une tendance, hélas répandue, au manspreading, c’est-à-dire à écarter mes jambes de sorte que je rends inaccessible le siège à côté du mien. Je me contiens davantage, bien sûr, si quelqu’un est assis à mes côtés, inconnu ou non, car j’ai comme tout le monde un minimum de considération pour mon prochain et pour l’espace vital personnel à ne pas envahir dans les transports en commun.

 

Mais dans une rame pas trop remplie, si je suis assis dans mon coin et sans gêner personne, mes genoux vont s’écarter l’un de l’autre, tandis que mes deux pieds vont rester joints par les talons, et je vais former, sans même m’en rendre compte, un gros losange s’étalant comme un vieux camembert entamé de part et d’autre de mon siège.

 

Est-ce que cela fait de moi un gros beauf ? Peut-être. Je sais en tout cas que j’essaye d’y faire attention si je deviens gênant pour les gens autour de moi, mais force est de constater que mon « naturel » est de m’étaler, de me vautrer. Je suis un garçon globalement horizontal. C’est encore pire quand, comme ce week-end, je trimballe sur mon dos un gros sac, qui m’oblige si je le garde sur le dos à poser mes fesses sur le rebord du siège, et la position manspreading devient alors non seulement encore plus tentante et confortable, mais aussi bien moins envahissante, en apparence, que de garder ses deux genoux collés l’un à l’autre, avec mes longues cuisses, là, qui semblent se prolonger jusqu’au milieu de la rame.

 

Je ne dois pas avoir les réflexes de vie en société les plus affutés qui soient. La plupart des gens retireraient simplement leur sac à dos, et se tiendraient droit sur leur banc de métro, les fesses au fond du siège, les jambes droites ou croisées. Je me demande quel âge j’ai, parfois, pour être ainsi aussi « tançable » qu’un gamin de huit ans. Mais promis, j’essaye de me soigner. Je ne crois absolument pas en la nécessité pour moi ou pour tout autre homme de tenir cette position des jambes écartées pour le confort de mes testicules ou pour tout autre prétexte fallacieux. Je crois qu’elle est plus ou moins consciemment inculquée, et que les mecs prennent de la place lorsqu’ils le peuvent, parfois par confort de posture, et parfois uniquement parce qu’ils le peuvent. Par habitude. Il m’arrive également de croiser les jambes de manière tout aussi inconsciente, ou même de m’asseoir avec les genoux droits devant moi et les cuisses parallèles au sol, sans y réfléchir une seconde. J’imagine donc plutôt que ce sont des questions d’humeur de l’instant, de fatigue, de tendance à ne pas réfléchir à ce qu’on fait quand on le fait.

 

Dans mon cas, et sans vouloir être trop affirmatif, je crois que les jours où je m’assois en position « syndrome des couilles de cristal » dans le métro sont aussi les jours où, au bureau, j’ai tendance à rester assis pendant des heures comme ceci :

 

De la pure fainéantise inconsciente et satisfaite d’elle-même, en somme.

Les commentaires sont fermés.