Le pouvoir du babyphone

 

C’est vrai qu’ils sont mignons, les gamins de mes potes. Ce week-end ça allait de 3 mois à 5 ans, et en résumé ils n’ont pas été trop pénibles, pour sept gamins qu’on pouvait aisément diviser en deux groupes : le premier gravitant autour de quatre ans, et le deuxième groupe carrément constitué de bébés encore en couches. Compte tenu des circonstances caniculaires dans lesquelles se déroulait ce fameux long week-end du 14 juillet, que nous attendions tous depuis des mois, je considère qu’ils n’ont pas été aussi relou qu’on aurait pu le redouter : ce sont des gosses de quatre ans, ça chouine, ça geint, ça mange à heure fixe, ça ne sait pas nager tout seul et ça se transforme en diva dès qu’il y a un public de grandes personnes inhabituelles dans la maison. Rien d’étonnant, donc, et j’y étais préparé.

 

En revanche, je n’étais pas préparé à ce que mes potes soient aussi collés à leurs gosses, à les gérer non-stop, sans une seconde de répit. Pas vraiment de leur faute non plus, il faisait chaud, la maison était trop petite (il manquait clairement une pièce à part, où les plus grands auraient pu jouer et faire du bruit sans réveiller les bébés pendant les longues heures d’après-midi où il faisait trop chaud pour aller se cramer la gueule au bord de la piscine), tout le monde était globalement assez fatigué. Mais ils ont vraiment passé quatre jours avec un biberon vissé dans la main, un gosse sur chaque jambe et leurs yeux collés à leur babyphones, terrifiés que leur gosse soit responsable du réveil de tous les autres. Et quand les gamins étaient réveillés, ils en avaient toujours au moins un dans les pattes et refusaient de les laisser jouer dans une autre pièce avec leurs petits camarades sans supervision étroite (normal, ils ont quatre ans, me direz-vous).

 

Je n’ai pas envie d’être ce nullipare qui juge les parents et leurs méthodes d’éducation, je me doute bien que je ne sais rien des contraintes, du stress d’être parent. Je perçois, ça ou là, leur crainte d’être jugés, la pression d’être un bon parent, la compétition sous-jacente entre eux et leurs frères, sœurs et autres proches ayant aussi des enfants. Ils sont intarissables sur leurs gosses. C’était dur d’avoir une conversation de plus de cinq minutes sur autre chose, ne serait-ce qu’à cause des interruptions de babyphone ou d’un gosse qui débarque pour chouiner parce qu’il ne voulait pas prêter son pistolet à eau. J’ai tenté d’avoir des conversations individuelles avec chacun, au cours du week-end, et j’ai réussi à les faire un peu parler d’eux. Mais je n’ai pas réussi à les intéresser à ma vie à Lyon plus de trente secondes chacun, l’interruption d’un gamin ou d’un problème de bouée venant invariablement perturber toute conversation qui ne tournait pas autour des gosses. Les nullipares ne pouvaient lutter contre le pouvoir du babyphone, et notre contribution à la logistique du week-end a essentiellement consisté à s’occuper (avec certains parents, bien sûr) de ce qui ne concernait pas les enfants : la vaisselle, les repas des adultes, les apéros. Zéro sortie collective en forêt ou dans un lieu touristique local, en revanche : il faisait trop chaud, et ils sont nettement plus nombreux et moins transportables qu’il y a deux ans, lorsqu’ils étaient tous en poussette.

 

Apéros sur la terrasse et dîners une fois qu’on avait réussi à coucher tout le monde, donc. Tout le reste tournait autour des gamins, et même si leur présence était naturelle (et que les parents estiment, à raison, qu’il faut profiter de ses gosses pendant les vacances), je me suis surpris une ou deux fois à penser que j’aurais mieux profité de mes potes si les petits avaient passé le week-end chez leurs grands-parents. Mais c’est comme ça, ils étaient 100% dédiés aux gosses, et les trois adultes sans enfant ont donc bénéficié des restes d’énergie et d’attention qu’ils avaient encore pendant les repas du soir.

 

Nous avons pourtant tenté de les détourner un peu de leurs tâches. Allez, juste trente minutes pendant que tous les gamins dorment, tu viens avec nous faire un tour en voiture au village voisin, ou au bord du lac à 300 mètres de la maison, tu laisses les six autres adultes dans la maison, ne t’en fais pas, si l’un des gosses se réveille il sera pris en charge tout de suite ! Et non. Grosse solidarité entre les couples au bord de l’épuisement. Ces messieurs ont bien retenu leur leçon, ils ne veulent pas en prendre plein la gueule s’ils ont le malheur de se relâcher et de rater un truc. Pareil chez les dames, pas moyen d’en convaincre une de lâcher le sacerdoce maternel quelques dizaines de minutes pour laisser monsieur gérer tout seul le goûter. Ils étaient vraiment 100% dédiés, tout déplacement hors de la maison était consacré aux gamins ou à la logistique qui les concernait : le supermarché, l’aire de jeux, l’exposition de voitures anciennes pour le grand qui est fan de voitures…

 

Bon, moi je les aime bien, ces gosses, hein, mais vivement qu’ils aient 7-8 ans et qu’ils puissent jouer sans une supervision aussi rapprochée, histoire que leurs parents soufflent et redeviennent à peu près accessibles avant 22h (quand tout le monde dort et qu’eux-mêmes, debout depuis 6h du matin, commencent un peu à bailler avec leur verre de rosé).

 

La prochaine fois, on prendra une maison plus grande avec une salle de jeux. Et des sédatifs, peut-être.

2 thoughts on “Le pouvoir du babyphone

  1. estèf

    juillet 20, 2022 at 10:11

    Je ne voudrais pas te faire peur mais beaucoup de risque que ça ne change pas…

    • Vinsh

      juillet 20, 2022 at 11:09

      Je croise les doigts quand même. C’était une autre époque et un autre contexte (les années 90 à la campagne dans des maisons avec jardin vs. les années 2020 en ville dans des petits apparts), mais je me souviens quand même que mes parents dînaient tranquilles et passaient des samedis soirs avec leur potes au salon pendant qu’on jouait dans nos chambres ou qu’on zonait devant des VHS ou devant Fort Boyard. Peut-être pas conscients qu’un adulte nous supervisait, malgré tout, peut-être dans ces moments-là…

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