Ce n’est probablement pas son job, à Kylian Mbappé, d’être le porte-parole de l’urgence climatique. Est-il seulement à la hauteur ? A quelle hauteur devrait-il se trouver, d’ailleurs, ce gamin de 23 ans ? Greta Thunberg ou lui, est-ce bien à des gens de moins de quarante ans sans postes de pouvoir de porter la responsabilité des changements à opérer ? Mbappé est une méga-célébrité, mais dans le fond, il ne fait que jouer au football. On pourrait penser que son job, c’est juste d’être bon sur un terrain de foot avec son équipe et de participer à lui faire gagner des matches. Mais son fou rire mi-gêné mi-hilare devant la question de Paul Larrouturou sur l’idée de prendre le train plutôt que l’avion pour que le PSG fasse ses trajets Paris-Nantes, c’est au mieux maladroit, au pire une preuve de déconnexion et de mépris de ce que traverse aujourd’hui le pays et l’ensemble de la planète. Comme si c’était hilarant, trop loin de lui. Comme s’il s’en foutait. Crevez entre vous dans le brasier, les pauvres, nous on va garder nos jets privés et on se fera réfugiés climatiques à Gstaad quand ça se gâtera pour nous aussi. La mini-tempête médiatique se terminera dans un verre d’eau, bien sûr. Mais on est après tout à quelques semaines d’une Coupe du Monde particulièrement polémique au Qatar, et je ne sais pas à quel moment lui et son coach se sont dits, puisque comme l’a dit Christophe Galtier lui-même ils savaient bien que ce genre de question allait leur être posée, qu’ils pouvaient se permettre de prendre la question de haut, avec cette vanne pas drôle sur le char à voile.
Ce qui est sûr c’est qu’ils se le sont permis, et qu’à son double titre de joueur du PSG et de joueur de l’équipe de France, Mbappé commence à se faire interpeller de toutes parts sur son rôle d’exemplarité et de sensibilité aux sujets de société. C’est plus puissant que lui, il est un role model, que ça lui plaise ou pas. Sa visibilité et son influence sont trop grandes pour qu’il en joue à la légère comme ça, et à quelques semaines de défendre un titre mondial, je trouve un peu fou qu’il soit si désinvolte. Pour ne pas dire méprisant.
Peu de choses dans la vie m’agacent plus que la Coupe du Monde de Football. Ou l’Euro. Enfin, peu importe quoi, tant qu’on est obligés de boire, manger et vivre foot pendant plusieurs semaines et qu’on ne peut éviter durablement les conversations ni le bruit médiatique sur le sujet. Certains s’offusquent des mêmes désagréments avec l’Eurovision, Miss France ou RuPaul’s Drag Race, mais dans les deux premiers cas ça ne dure réellement qu’un soir en termes d’écho pour le grand public, et dans le dernier cas ça a beau durer des semaines, la conversation autour de Drag Race reste très « niche » et évitable. Au pire il suffit de « mute » les bons mots-clés sur Twitter, et on peut continuer à tranquillement ignorer le truc.
Mais la grand-messe du foot, non. On aura tout l’attirail : les JT, les Une des magazines, les bruits de supporters dans la rue, les bagnoles qui klaxonnent, les collègues qui en parlent à la machine à café, les opérations marketing dans les supermarchés, la tête de Griezman ou de Ronaldo sur les paquets de Chips… et presque systématiquement, la conversation un peu pénible avec le ou les potes qui vont essayer d’orienter la conversation sur ce sujet dont ils savent que je n’ai rien à foutre, ou qui vont pousser à organiser l’apéro dans leur salon ou dans un bar qui diffuse les matches plutôt qu’en terrasse pour ne pas rater le France-Japon.
En temps normal, je n’ai aucune stratégie d’évitement du football. Je m’en tape, c’est tout. C’est vraiment cette impression d’ubiquité, d’impossibilité d’y échapper qui m’irrite pendant la Coupe du Monde. C’est comme si la société entière me rattrapait par le col en essayant de me culpabiliser ou de me mettre dans le rang : « Alors, comme ça, on n’idolâtre pas Mbappé ? On n’est pas un bon Français ? On n’est pas fier de son équipe nationale ? Tu pourrais faire un effort, hein, c’est de la culture générale, quand même. T’aimes pas ton pays ? T’aimes pas partager des moments de joie populaires ? T’es snob ? ».
Mais foutez-moi la paix avec ce truc. Je m’en fous, c’est tout. Amusez-vous si ça vous plaît. Je voudrais juste avoir le choix de ne pas en entendre parler. Ça m’agace. C’est comme ça.
Comme tous les gamins qui n’ont pas aimé le sport à l’école, qui n’ont jamais été les bienvenus dans l’équipe de foot ou qui se sont ramassé la balle dans la gueule à pleine vitesse lorsqu’ils ont été obligés d’aller sur le terrain en EPS, je n’aime pas le football. Ni les sports de ballon en général, ni globalement les sports d’équipe. Je n’attribue pas ce rejet à une réaction de fierté parce qu’on ne m’aurait jamais pris dans l’équipe de foot ou qu’on m’aurait choisi en dernier : tout petit déjà, je n’étais même pas dans les rangs pour participer, pour être choisi. Je jouais avec les filles, ça m’allait très bien, et je ne percevais pas comme un déshonneur de ne pas jouer au football dans la cour de récréation avec les autres garçons. Je ne le cherchais même pas. Se mettre à vingt-cinq dans la cour à se faire des croche-pieds pour essayer de choper la baballe dans un ballet de passes auquel je ne comprenais rien et ne souhaitais rien comprendre : et puis quoi encore ? Pareil au collège-lycée : dernier choisi pour constituer les équipes de sports collectifs, mais franchement je trouvais ça logique, une fois lâché sur un terrain avec mon chasuble qui puait encore le mec qui avait dû le porter pendant la séance précédente, je ne touchais pas une balle, ne me plaçais pas, ne cherchais pas à toucher la balle mais plutôt à l’éviter. Je ne servais à rien et n’avais aucune volonté de servir à quelque chose dans une équipe de foot, de handball ou de volley. C’est comme ça, et au fond le seul truc que je vivais mal c’est le stigmate social qu’on y mettait, et la volonté de tous de vouloir me forcer à cette communion physique collective comme si mon intelligence, mon développement personnel et mon avenir en dépendaient. Mais être nul en sport : non, ça va, ça ne m’a jamais complexé. Je sais que je n’aime pas ça, et pourquoi je n’aime pas ça. Je n’ai pas envie d’en convaincre les autres. Et le football n’est que le plus voyant et bruyant de ces machins relous. Ça ne m’intéresse tout simplement pas, et le fait que la société entière semble se liguer pour me le faire descendre dans le gosier de force pendant des semaines me gonfle au plus haut point.
J’ai bien conscience que le football est le sport populaire par excellence, avec la simplicité théorique de ses équipements (une balle et un terrain vague, et trente gamins de quartiers défavorisés peuvent être occupés tout un après-midi) et sa mixité sociale (c’est moins un « sport de riche » que le tennis ou le golf, et les joueurs professionnels ne sont pas tous issus plus ou moins du même milieu social). Je sais que c’est pour ça que c’est un sport si populaire, et que c’est cette popularité qui le transforme de facto en sport business, avec des sommes astronomiques en jeu et des annonceurs à tous les étages. Mais ça ne m’empêche pas de m’en foutre encore et toujours, et donc de ne pas avoir envie de le subir pendant chaque heure éveillée des trois prochains mois.
Cette petite séquence médiatique autour du PSG n’est que le début d’une tendance qui ne va faire que grossir d’ici la Coupe du Monde en novembre : on va voir les joueurs les plus célèbres partout, tout le temps, pour qu’ils donnent leur avis sur l’inflation, la crise sanitaire, la canicule, les morts des chantiers des stades au Qatar… tous ces prétextes pour en faire des porte-paroles sociaux qu’ils ne sont pas, pour les faire rigoler comme des lycéens gênés devant une question sur le système reproductif posée devant toute la classe, pour imposer le football comme l’enjeu économique et sociétal de cette fin d’année 2022, et en définitive pour justifier les heures de matches et de pages de pub dont on nous gavera lorsque le moment sera venu. Je sature déjà de voir leurs gueules partout et de les entendre déballer leurs platitudes, en plus du reste.
Matoo
septembre 7, 2022 at 9:22T’aurais trop été mon copain pédé nerd à l’école toi. :DD
Vinsh
septembre 7, 2022 at 9:47Il en faut un :p
estèf
septembre 7, 2022 at 1:18On aurait été dans le même groupe !