L’étiquette de l’ajout d’amis

 

 

Ces derniers mois, je reçois sur Facebook de plus en plus de demandes d’ajout d’ami, de la part de gens que je ne connais pas. C’est vraiment un phénomène récent. Il y a encore cinq ans, ça ne m’arrivait jamais. Je les refuse ou les ignore, en général.

 

Facebook revêt un statut particulier, parmi les réseaux sociaux sur lesquels je suis présent. C’est le plus ancien, déjà. Je n’y poste plus grand-chose, mais je continue à utiliser Messenger, à m’y connecter pour le boulot, ou encore à me servir de la fonctionnalité Anniversaires pour me souvenir de quelques anniversaires à souhaiter (en général ailleurs que sur Facebook, d’ailleurs). Mais c’est aussi, paradoxalement, le plus fermé, le plus personnel. Je conserve sur ce réseau un principe un peu naïf : je n’y ajoute et n’y accepte que des gens que je connais.

 

Sur LinkedIn, j’ajoute des collègues ou des personnes rencontrées dans le cadre pro, et je suis parfois ajouté par des personnes qui veulent me suivre dans une démarche de prospection commerciale. Ça me soûle un peu de traiter mes messages privés et de dire régulièrement non à des prestataires qui veulent me vendre leurs services (c’était moins fréquent quand j’étais en agence, mais maintenant que je suis chez l’annonceur, ça a beaucoup augmenté), mais on est sur LinkedIn, j’accepte que ce soit le jeu, et tous ces contacts sont autant d’opportunités, un jour, de tomber sur une publication qui m’intéresse, de trouver un job, etc. Tant que le profil LinkedIn qui cherche à m’ajouter à son réseau n’est pas ouvertement une escroquerie, et que son domaine d’expertise me concerne plus ou moins, ça ne me dérange pas d’accepter une demande.

 

Sur Twitter et sur Instagram, c’est encore pire : je n’ai aucune hygiène numérique, aucune étiquette de l’ajout d’amis. Cela se voit un peu, d’ailleurs, quand on parcourt mes listes d’abonnés : beaucoup de comptes de cul et de bots sur Twitter, beaucoup de comptes de fausses marques, de bots brésiliens et probablement de brouteurs africains sur Instagram. Les comptes sont ouverts, je me fous un peu de qui me suit, alors je laisse comme ça. Peut-être me sens-je, à tort, protégé par le pseudonymat et la sensation que je publie ce que je veux bien montrer, mais pas plus. Je ne crois pas trop être ciblé par du social engineering sur Twitter ou Instagram. Je suis « stalkable », mais cela m’indiffère un peu. Je m’en mordrai peut-être les doigts un jour.

 

Mais sur Facebook, je conserve toujours cette limite, depuis les débuts de mon compte en 2007 : le profil est fermé, on ne voit pas mes posts si on ne me suit pas, je suis trouvable et ajoutable, mais pas consultable, et je maintiens une sélection plus sévère à l’entrée. Cela me vient probablement de l’impression, plus forte qu’ailleurs, que c’est un espace privé et personnel. Peut-être, aussi, des premiers incidents à la fac quand des copains n’avaient pas encore bien restreint l’accès à leurs comptes alors balbutiants, et s’étaient fait allumer par des profs qui pouvaient voir leurs conneries et leurs commentaires : depuis les études, je considère Facebook comme un espace privé, sous ma véritable identité, où on peut se servir de mes publications contre moi. Aujourd’hui il n’y a plus rien de récent, juste de vieilles photos plus ou moins floues de soirées étudiantes et des premiers mois de ma vie à Paris, dont je n’ai pas spécialement honte mais dont je ne vois pas l’intérêt de donner l’accès à des inconnus.

 

Si je dois imaginer pourquoi je reçois plus fréquemment ces demandes d’ajout d’ami ces derniers mois, je suppose qu’on peut tabler sur deux choses. D’abord, Facebook a toujours été assez agressif dans ses pratiques pour maintenir ses utilisateurs sur le site. Si je ne me connecte pas pendant plusieurs jours, je vais recevoir des dizaines d’alertes Facebook par e-mail, me signalant un nouveau post d’un ami, un anniversaire, ou un autre contenu sans grand intérêt qui justifierait que je me reconnecte de toute urgence à mon compte. Dans le même esprit, il est assez logique que les suggestions d’amis soient toujours plus nombreuses, et à des degrés de séparation de plus en plus forts. Si j’ajoute (ou accepte) en ami une connaissance d’Instagram, par exemple (oui, quand même, au bout de quinze ans, j’accepte aussi des gens que je n’ai jamais rencontrés sur les bancs de la fac ou du lycée, pour peu que j’aie déjà échangé un peu avec eux par ailleurs et que je les trouve « identifiables »), je vais me retrouver dans les « Vous connaissez peut-être » de tous ses potes Facebook. Parmi les demandes que j’ignore ou que je refuse, il y a souvent un ou deux contacts Facebook en commun, mais que je n’ai jamais vraiment rencontrés.

 

Ensuite, j’ai l’impression que de nombreux utilisateurs Facebook n’ont pas la même « étiquette » que moi, désormais, en ce qui concerne l’ajout d’amis. Soit des plus jeunes, soit des plus vieux, souvent, qui ne voient pas le problème à partager des infos personnelles avec moi sous leur vraie identité, ou qui au contraire sont présents sous pseudonyme ou avec un surnom en guise de nom de famille (j’ai beaucoup de profils avec nom de famille en « Bear » ou en « PetitOurs » dans mes demandes). Pour eux, Facebook n’est pas un trombinoscope de leurs années d’études avec des photos un peu honteuses et des infos personnelles, c’est simplement une plateforme d’échanges, au même titre que Twitter ou Reddit. Ou, plus prosaïquement, c’est une plateforme de rencontres à la Grindr.

 

Sauf que pour moi, non. Désolé, les garçons. :-/

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