slut era

Je ne peux pas m’empêcher de commencer à dresser le bilan de 2025, maintenant que le plus gros de l’année est passé et que plus grand-chose ne devrait vraiment évoluer dans ma vie avant 2026. Et bon, bah on va pas se mentir, si ce n’est pas fameux sur tous les plans, mes quarante ans auront vraiment été une slut era dans ma vie, ou le célibat qui m’est tombé dessus fin 2024 est devenu un mode de vie et de survie. Vu la précarité de ma position en Californie, l’idée de se projeter dans une nouvelle relation est assez saugrenue, et je la mets à distance dans toutes mes interactions sexuelles ou sentimentales qui pourraient donner l’impression de se transformer en quelque chose de sérieux. Ou, pour le dire autrement, je suis devenu une caricature de fuckboy qui ne rechigne pas à niquer mais qui fuit tout engagement. Il y a plusieurs raisons à cela, au premier rang desquelles je mets ma deadline de juin 2026 (qui correspond à la fin de mon visa) et qui m’empêche de me projeter dans une relation bourgeonnante condamnée à la longue distance dans quelques mois. J’ai déjà donné, et franchement je sors d’en prendre. La deuxième raison, c’est que ma vie actuelle ne ressemble à rien, est complètement instable financièrement et professionnellement, et que tant que je n’aurais “récupéré” un semblant de normalité de ce côté-là, je ne vois pas trop ce que je peux apporter dans une relation. C’est peut-être un schéma récurrent qui se fait jour dans ma vie, je n’en avais jamais pris conscience avant, mais j’ai toujours abordé mes relations amoureuses comme un “daddy”. J’ai besoin d’être un “provider” dans une relation, j’ai besoin d’être capable de payer l’addition au restaurant (pas systématiquement, hein, mais je ne veux pas que ce soit un problème quand ça arrive), de partir en week-end, de faire des projets à court et moyen terme qui, inévitablement, coûtent de l’argent. J’ai quarante balais et mes finances ressemblent à celles d’un post-ado, honnêtement c’est embarrassant à ce stade, et je n’ai pas envie d’imposer ça à quelqu’un qui serait légitimement en droit d’attendre mieux de son boyfriend à ce grand âge. Je ne veux pas être en couple avec quelqu’un qui me percevra comme un loser en transit dans sa vie, ou comme un projet de réhabilitation matérielle et professionnelle à mener. Je veux que, pour mon futur mec, s’il existe, être en couple avec moi apporte un “plus” à sa vie, pas des galères et des privations parce que je rame et que je dois me mettre à sa remorque et freiner ses sorties, ses week-ends et ses envies. Je ne sais pas dans quelle mesure ce besoin est révélateur d’une névrose ou d’un truc cynique et tordu, qui fait que je ne me percevrais pas comme “suffisant” pour mériter quelqu’un dans ce chapitre foutraque de mon existence, mais c’est comme ça, je ne veux pas être un boulet dans mon couple, je veux “bring something to the table” comme disent les américains, je veux qu’à deux on vive mieux, pas que mon mec soit ma béquille pendant des mois ou des années. 

La troisième raison, celle qui m’inquiète un peu, est psychologique. Car même si d’ici quelques mois je finis par régler mes problèmes de visa, de stabilité géographique et de santé financière, je crois que je risque de me retrouver face au blocage que je fais semblant d’ignorer, confortablement nimbé dans mes contingences actuelles : j’ai franchement peur d’y retourner, de me montrer vulnérable et disponible avec quelqu’un, et de m’en remanger plein la gueule. Par réaction, le célibat m’apparaît désormais comme l’option la plus “safe” pour moi. L’honnêteté m’oblige à préciser qu’en plus, mes options de dating et de sexe sont suffisamment étendues pour que je ne trouve pas l’engagement et la monogamie très tentants ces temps-ci. Mais est-ce que ça va me passer, est-ce que je vais me lasser de la vie de fuckboy à San Francisco (franchement je pouvais difficilement imaginer une ville plus idéale que celle-ci pour être un homme gay célibataire de quarante ans) ? Je lutte déjà un peu contre cette tendance, par habitude. J’ai du mal à coucher avec un garçon juste une fois et à ne plus jamais le revoir. Donc je le revois. D’ailleurs ici, la plupart des mecs gays sont amis avec les mecs avec qui ils couchent, et les amitiés gays complètement dénuées de dimension sexuelle ne sont pas spécialement marginales, mais bon c’est plutôt du 50/50 dans la répartition des interactions pédées ici, vu que c’est San Francisco et que, cliché ou pas, tout le monde est un peu sex positive. Mais quand on voit un mec trois, quatre, cinq fois, qu’on commence à discuter, à explorer une forme d’amitié, à se connaître un peu, à rire sur l’oreiller, bah ca devient un peu bizarre, parce qu’on a beau ne rien se promettre on aime bien le gars, on sent bien qu’on date un peu quand même, on n’est ni jaloux ni possessif mais on ne veut pas non plus trop blesser son égo en faisant étalage de ses autres dates, ni trop le cuisiner sur ses propres frasques personnelles pour ne pas donner l’impression d’être trop inquisiteur… La vérité c’est que même si on assume tranquillement sa vie de célibataire et son “carnet de bal” bien rempli, le slut shaming, les jugements à l’emporte-pièce et les blagues un peu vaseuses que me font mes potes dès que je commence a me montrer “ouvert” sur le sujet me dérangent un peu. Il y a comme une injonction à accepter de se prendre des vannes dans la gueule dès lors qu’on a l’outrecuidance de se montrer transparent et vulnérable sur sa vie sentimentale et sexuelle. J’ai l’impression que dans l’amitié française, avec des hétérosexuels ou non d’ailleurs, on ne peut pas s’empêcher de se charrier et de faire des informations (rares) qu’on a sur la vie sexuelle des uns et des autres un “running gag” sur lequel on s’envoie des piques régulièrement. Bref, au final on garde des réflexes monogames longuement inculqués et on se sent merdeux de ne pas être simplement en mode slut et tout assumer, surtout si on sent qu’en face le garçon nous aime bien et aimerait bien nous avoir un peu plus pour lui. Mais si dans quelques mois je devais retrouver un semblant de stabilité, est-ce que j’arriverais à renoncer à ma liberté chèrement acquise, à faire des compromis et à laisser quelqu’un entrer dans ma vie pour y occuper sa pleine place ? Honnêtement, je ne suis pas sûr. Peut-être que je suis fait pour rester celibataire, maintenant. J’ai essayé la vie maritale, la vie monogame, la relation ouverte, l’engagement, la longue distance, et rien n’a marché, en fin de compte. La dernière m’a fait plus de mal que les autres, et je n’ai pas retrouvé l’envie d’ouvrir ma vie a quelqu’un. Je ne sais pas si c’est à cause du miroir déformant de la vie sociale san franciscaine, mais une part de moi se dit, ces derniers temps : en vrai, peut-être qu’être un fuckboy, ça me suffira désormais. Peut-être que je ne mérite pas mieux. Peut-être qu’il n’y a pas mieux.

2 thoughts on “slut era

  1. Matoo

    octobre 13, 2025 at 5:49

    Mais comment tu fais pour ne pas tomber amoureux ?? Moi ça m’arrive deux fois par jour au minimum. Et plus j’ai de contraintes (un mari, une dead-line, une mort imminente, etc.) pire c’est !!! Donc ce serait terrible pour moi sa situation, je me serais remarié 4 fois au moins. 😀 😀 😀

    • Vinsh

      octobre 13, 2025 at 6:37

      Je crois qu’au bout d’un moment, même en tombant amoureux tous les quatre matins, on finit par mettre les mecs à distance, à les regarder pour ce qu’ils sont et pour les bons moments qu’ils représentent, mais sans s’emballer ou sur-interpréter une tendresse qui n’est peut-être pas si profonde que ça. En fait, dès qu’il s’agit de projeter davantage de « potentiel », tout est red flag, tout est obstacle. Alors on profite des bons moments mais on ne promet rien de plus, parce que pourquoi faire perdre du temps à quelqu’un dont on ne s’imagine pas qu’il sera compatible avec nous pendant deux, cinq, dix ans. Si j’avais dû avoir une relation amoureuse de plusieurs années avec chaque crush, chaque mec que je trouve mignon et attachant, cinq vies n’y suffiraient pas. Alors je rationalise, et je ne distribue pas ma disponibilité émotionnelle et amoureuse à tout va, même si je distribue généreusement mes baisers et mes nuits. Une mentalité de fuckboy, quoi.

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