sarko en prison

C’est le grand jour. Nicolas Sarkozy en prison. Même vu d’ici, je ne pense pas réussir à échapper aux images et aux inévitables tweets et détournements sur l’entrée de l’ex-Président de la République Française en prison en ce 21 octobre. C’est ouf, quand on y pense, depuis le temps que les ennuis judiciaires de Sarkozy sont médiatisés, qu’on se moque et que les humoristes en ont fait un élément récurrent de leur répertoire de vannes, de se dire que ça y est, le 21 octobre 2025, Nicolas Sarkozy entre en prison. Depuis quelques jours, j’ai la chanson des Wampas, Chirac en prison, en tête. L’époque a changé. En 2006, ce single avait fait une telle polémique qu’il avait plus ou moins fusillé la carrière mainstream du groupe de Didier Wampas, les radios le boycottant et la classe politique et médiatique fustigeant ce crime de lèse-majesté. En 2025, le truc passerait, je pense. La chanson de Giedré, ce week-end, passait très bien. Et à part le camp politique de Nicolas Sarkozy (et ceux qui font semblant de ne pas être de droite ou qui ne comprennent pas que considérer que les puissants ne sont pas des justiciables comme les autres et que leur place n’est pas en prison avec les délinquants de droit commun quand ils ont commis un délit, c’est être de droite) et les éditorialistes matrixés des chaînes infos, il n’y a pas grand-monde pour se dire que c’est abusé. On parle quand même d’un mec qui a des affaires judiciaires au cul depuis plus de quinze ans, qui a déjà été condamné par la justice avant, et qui s’est rendu coupable de l’un des délits les plus graves commis sous la Cinquième République.
Alors oui le symbole est violent et humiliant, de se dire qu’il va y avoir des images de Nicolas Sarkozy entrant à la prison de la Santé, comme il y a eu des images de DSK menotté aux Etats-Unis en 2011: c’est une chute, une disgrâce, c’est moche, etc. Mais à quel moment quelqu’un peut se dire que le mec est innocent et “mérite” d’échapper au châtiment ? Cela nous semble lointain et abstrait, ces histoires de financements de campagnes electorales, c’est de la délinquance en col blanc, les Français sont notablement “coulants” avec ça. Mais on parle ici de gens qui ont conspiré avec une dictature étrangère et négocié en direct avec un terroriste impliqué dans la mort de dizaines de ressortissants français, pour financer une campagne présidentielle largement au-dessus des plafonds légaux (créant de fait un avantage concurrentiel déloyal vis-a-vis des autres candidats à la Présidentielle de 2007, qui n’ont pas fait campagne avec les mêmes moyens) et se rendre redevable vis-a-vis de ces gens. Sarkozy, Hortefeux et Guéant ont mis la Présidence de la République, la souveraineté de notre pays, au service des intérêts d’une dictature étrangère, en la rendant redevable envers Mouammar Kadhafi via un pacte de corruption, ce qui les a ensuite contraints à lui faire des faveurs indues. Pour ce faire, ils ont négocié en direct avec Abdallah Senoussi, numéro deux du régime lybien, et condamné en France, en 1999, à la réclusion criminelle à perpétuité pour les 170 morts, dont 54 Français, de l’attentat du DC-10 d’UTA. C’est comme si George W. Bush avait emprunté du fric à Oussama Ben Laden pour financer sa campagne présidentielle en échange d’alléger les poursuites contre lui et de redorer son image auprès de la communauté internationale une fois élu. Je ne sais pas si on se rend compte à quel point c’est gravissime. Il arrive un moment et un niveau de gravité où, que ces mecs soient condamnés, et que le principal responsable prenne du ferme, ça ne devrait choquer personne. En tout cas, personne qui ait pris le temps de se pencher sur l’affaire et de lire les chefs d’accusation et les faits avérés. D’autant plus qu’il va probablement seulement faire quelques mois, voire quelques semaines, en quartier VIP et ressortir discretos pour finir sa peine a la maison sous bracelet électronique, en attendant son appel. Et cela va au-delà de l’animosité que peut susciter Nicolas Sarkozy pour sa stratégie électorale particulièrement cynique, surfant sur l’élan de la présence de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002 pour faire peu à peu monter et normaliser les idées d’extrême-droite au pouvoir et siphonner une partie des électeurs frontistes à la Présidentielle de 2007 (on voit ou ca nous a menés aujourd’hui), avant de mettre en place des personnalités vulgaires, méchantes et racistes à la tête de ses ministères, et même d’institutionnaliser la rhétorique d’extrême-droite avec la création d’un Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale. Sarkozy n’est pas la figure politique française qui m’a fait prendre conscience du fait que mes valeurs n’étaient pas à droite, mais il est celui qui m’a fait comprendre que la droite était prête à se compromettre avec le racisme, la xénophobie et les discriminations en général, si ca pouvait lui sauver son cul, son fric et ses privilèges. Évidemment que je déteste la responsabilité qu’il a dans ce que le paysage politique et médiatique français est devenu au cours des deux dernières décennies. Mais ce n’est pas son statut de sale con qui a livré le pays au racisme décomplexé par cynique calcul électoral qui joue dans l’affaire du financement lybien. Ce sont simplement les faits : aux yeux du droit français, ce qu’ils ont fait, lui et ses co-conspirateurs, est suffisamment grave et caractérisé pour justifier la taule pour le chef. Alors qu’il y aille. On a déjà bien assez de raison de douter du fonctionnement de la police et de la justice sans avoir un nouvel exemple de laxisme envers les puissants.

Laisser un commentaire

Votre courriel ne sera pas publiée. Les champs Nom et Courriel sont obligatoires.

*