J’ai une relation un peu particulière (ou peut-être terriblement banale) avec la saga Scream. Je n’aime pas trop les films d’horreur, je ne suis pas très demandeur de contenus horrifiques, sanglants ou gore. Que ce soit le slasher ou les autres sous-genres de l’horreur. Au-delà du jump scare en salle de cinéma, ça a tendance à me rester en mémoire et à perturber mon sommeil. Pas autant que quand j’étais gamin, bien sûr, mais je peux, un soir d’insomnie, me retrouver à tendre l’oreille dans le noir, allongé sur mon lit, interprétant les craquements de plancher et les bruits extérieurs comme autant de signes d’un maniaque à l’approche pour me faire subir les trucs vus à l’écran. Pas besoin d’avoir vu des images, d’ailleurs. Un bon vieux Faites entrer l’accusé sur un étrangleur en série, et le sujet peut me rester dans un coin de la tête pendant quelques nuits. Ça ne m’amuse hélas pas du tout.
Mais Scream, c’est particulier. C’est probablement la saga slasher la plus connue, la plus mainstream, celle dont le marketing et les sorties s’apparentent le plus à ceux réservés aux blockbusters estivaux. Merchandising, parodies, jeunes actrices de séries TV en vogue faisant une apparition pour se faire trucider… Quelque part, Scream est un peu au slasher ce que Hunger Games a été aux adaptations de littérature Young Adult ou Harry Potter aux adaptations de livres pour enfants : un étalon, une saga de référence à laquelle on compare toutes les autres. Et Sidney Prescott a un peu été la Katniss Everdeen des gamins nourris aux slashers ados du tournant du siècle. Une sorte de repère culturel, en somme.
Il y a bien les Halloween, les Vendredi 13, les Chucky ou les Candyman, mais ces références sont plus datées, plus ancrées dans les années 70-80, au départ. Scream, c’est la saga horrifique ciné des gens qui ont été ados dans les années 90-2000, qui relance l’intérêt pour ce genre sans pour autant le renouveler, mais en lui ajoutant une dose de méta, d’insolence, et même de comédie, qui a complètement changé la perception du genre slasher pour toute une génération. Cette génération de gens qui sont trentenaires ou quadra maintenant, aux commandes des industries culturelles, ou presque. Pour des gens comme moi, cela a été la lorgnette, voire la porte d’entrée, vers les films d’horreur. Le premier pas. Beaucoup de slashers ados dans son sillage (Souviens-toi… l’été dernier, Urban Legend…) et de parodies (Scary Movie), avant que le genre ne s’oriente vers d’autres choses dans les années 2000, plus adultes et plus sombres, ou vers des reboots de classiques des années 70-80.
Alors ce cinquième volet annoncé pour janvier, 11 ans après Scream 4, et 6 ans après la mort de Wes Craven, bizarrement, c’est un peu comme si une Madeleine de Proust des années 90 revenait pour s’adresser directement à nous, et au gamin de 12 ans qui s’offrait un coup de flip en salle avec les copains, dans un rite de passage pas bien glorieux, à celui qui ne sursauterait pas et ne détournerait pas le regard de l’écran. Évidemment, cela sera difficile de résister à la curiosité. Même si cela sera probablement nul, ou à tout le moins décevant. Mais tout comme Laurie Strode a été la final girl de référence des adolescents des années 70, Sidney Prescott a été la nôtre. Une partie de nous voudra toujours s’assurer qu’elle s’en sortira.