Ces dernières semaines, j’ai fait un énorme ménage dans mes réseaux sociaux. Un truc assez drastique, que je n’avais jamais fait en quinze ans : virer tous les inconnus, les muets, les personnes sans aucun échange, mais aussi et surtout les personnes qui m’ont uniquement suivi « au physique », faisant traîner des mois de conversations ambiguës en DM, à coups d’emojis flamme ou de coeurs un peu trop insistants. Ma vie a changé, et j’essaie de mettre mes réseaux sociaux en cohérence avec ça.
Je me retrouve, depuis, plus ou moins sommé de donner des explications, à des gens auxquels j’ai mis plusieurs jours à comprendre que je n’en devais pas vraiment. Si je devais résumer, ce serait un simple : on se draguait plus ou moins subtilement et plus ou moins innocemment en ligne, et maintenant je ne veux plus de ça. Je n’en ai plus envie ni besoin. Je pose mes limites. Mon ego n’a plus besoin d’être rassuré et validé en ligne. Je me sens validé comme jamais, par un amour qui a changé ma vie, en quelques mois. Ce que je vis, désormais, a bien plus de valeur que ces flirts sans but, et s’il me faut choisir entre l’homme que j’aime et des mecs que je n’ai jamais rencontrés (ou que je ne croise que dans des bars) qui m’envoient des emojis en réponse à mes stories : mon choix est vite fait.
Il ne faut pas toujours prendre tout ce que j’écris au pied de la lettre. Parfois, j’écris pour me convaincre moi-même, pour construire le récit autour duquel je vais réussir à croire à ma propre histoire, à mes propres motivations. C’était le cas en mai quand je parlais de devenir le french boyfriend de quelqu’un. Je vois bien, avec le recul, qu’il ne fallait pas me prendre au sérieux. J’essayais de me convaincre, et de convaincre ceux qui me lisaient, que j’avais atteint le pinacle des relations ouvertes : préserver sa relation amoureuse tout en menant une relation sentimentale parallèle. Je me fourvoyais, plus ou moins consciemment, pour dissimuler ce qui était en fait une histoire d’amour naissante. Évidemment que j’allais tomber amoureux de mon American boyfriend. Évidemment que j’en étais déjà amoureux, en fait. Évidemment que j’allais être incapable de jongler, de manière éthique, entre un mari et un boyfriend. Évidemment qu’au moment où j’écrivais ces lignes, j’étais déjà tellement fou de ce mec que je voulais prendre chaque nuit, chaque week-end, chaque minute de ce qu’il avait à me donner. Je voulais tout ce qu’il m’était possible d’avoir. Une nuit par an ? Je prends. Un week-end par mois ? Je prends. Tous les jours, toutes les nuits, tout le temps ? Je prends. Je voulais déjà tout, sans oser me l’avouer de peur que ce ne soit pas réciproque. À chaque fois que je le revoyais, j’étais un peu plus amoureux, un peu plus ébahi de notre alchimie et de notre compatibilité. Cet homme me fascinait. Il me comblait. Je le voulais pour moi, et je voulais être à lui. Je devrais me connaître mieux que ça, je ne suis pas un vrai polyamoureux, je suis juste un monogame qui s’est adapté aux circonstances pour ne pas perdre ses copains. Pour la première fois depuis des années, une relation amoureuse monogame, pleine de passion et de possibilités d’avenir ensemble, se présentait à moi. Il a fallu que je sois honnête avec moi-même : j’avais beau être marié, j’en avais envie.
Avec le recul, il s’avère que jamais de ma vie je n’ai été à l’initiative d’une relation ouverte : on me les a toujours plus ou moins imposées. En gros, c’était ça ou la rupture, le mec voulait baiser ailleurs, alors je me montrais réaliste et j’acceptais. Par amour et par volonté de poursuivre ma relation avec une certaine éthique. Et je ne regrette rien. J’en ai profité aussi. Mais je ne pense pas être le militant le plus forcené des relations ouvertes pour autant. Ça peut marcher, je connais plein de gens heureux comme ça. On discute, on est honnête, on instaure des règles et on s’efforce de les respecter et de les faire évoluer. Mais si un mec ne veut que moi et que je ne veux que lui, je ne vais pas vous dire que ça me fait lever les yeux au ciel : ça me rend plutôt envieux, cette idée de s’aimer et de se désirer pendant des décennies, sans baisser les bras, sans cesser de communiquer et de vivre la même passion amoureuse qu’aux premiers jours, portés par une transparence et une confiance de chaque instant. J’ai toujours trouvé ça beau, bien que difficile à trouver pour moi-même.
Mais lorsqu’il est devenu évident que je tombais amoureux, et que mon mari s’est avéré lui aussi être tombé amoureux de quelqu’un d’autre depuis quelques mois, la coïncidence de ces sentiments nous a obligés à nous interroger.
Pourquoi étions-nous soudain si accessibles à des sentiments pour d’autres personnes ? Pourquoi avions-nous cette envie si puissante d’autre chose, avec quelqu’un qui semblait nous l’offrir ?
Nous allions bien, je crois. Certes, après toutes ces années, il n’y avait plus beaucoup de sexe, il y avait moins de réflexes de jeune couple, mais il restait encore une certaine tendresse, une solide complicité après neuf ans passés côte à côte. Un confort du quotidien, une confiance. On ne se posait pas vraiment de questions. Mais nous étions déconnectés. Nous avons mis deux ans de mariage à le comprendre. Nous vivions deux vies séparées, réunies uniquement par les nuits et les vacances. Nous nous sommes lancés, en pilote automatique, en mode projet, dans de grands et coûteux chantiers d’adultes, sans nous demander si nous en avions envie ou si ça nous rendrait heureux. C’étaient juste les étapes « logiques » après s’être mariés et avoir quitté Paris. Nous n’avons pas su voir que nous n’étions plus en phase. Chacun sur son île. Chacun dans son coin de la vie domestique.
Cela a été dur d’en arriver au mot séparation. Puis au mot qui vient ensuite : divorce. Mais dès que nous l’avons prononcé, nous avons été comme soulagés. On s’est donnés l’espace pour vivre de nouvelles choses, sans le faire à moitié, sans garder un pied dans le mariage et un pied dans une nouvelle relation et de nouveaux projets. On a coupé net. Un peu radicalement, peut-être. Mais on l’a fait, et cette clarté nous aide à aller de l’avant.
Je vais certainement quitter Lyon dans les prochains mois. Je ne sais pas encore comment, ni par où commencer. Nouveau job, nouvelle ville, nouveau pays. Je ne sais pas ce qui arrivera, ni dans quel ordre. Changer de vie. Me rendre disponible à une nouvelle aventure, à une nouvelle existence qui n’aura presque rien en commun avec ce qu’a été ma vie jusqu’à présent. À un amour qui a déjà tout changé en moi. Mes amis me le disent : « On ne t’a jamais vu comme ça ». Je crois que je suis heureux, avec une intensité et une angoisse que je n’avais jamais connues. Cet homme, je crois qu’il est trop bien pour moi. Sa beauté, son charme, son aisance, sa gentillesse, sa sensibilité, son ambition, sa délicatesse, sa manière de me regarder, de prendre soin de moi. Tout en lui m’émeut et me touche profondément. Je n’en reviens pas qu’il m’aime. Mon bonheur et ma chance me sidèrent.
Ce nouvel amour, j’ai choisi de le protéger, de ne pas l’exposer quotidiennement à une audience de milliers de personnes. D’où les unfollow massifs de ces dernières semaines. J’ai choisi de ne partager mes moments de vie qu’avec des personnes proches, de confiance, qui ne souffleront pas sur les braises et ne chercheront pas des failles ou des occasions de flirter derrière chaque photo, derrière chaque souvenir.
Après toutes ces années de relation ouverte, cela pourrait donner l’impression d’un challenge difficile à surmonter. C’est tout le contraire. Je suis surpris de la facilité avec laquelle je lâche un par un les followers, les contenus, les boosters d’égo qui faisaient le quotidien de ces comptes sociaux avant : c’est facile, ça ne m’intéresse plus. Je veux faire autre chose de ma vie en ligne que de flatter mon égo et celui des autres. Je veux partager les images de ma vie avec ceux qui me veulent du bien, qui veulent du bien à ma relation. Je veux utiliser les réseaux sociaux pour partager avec ma famille, mes amis, et pas avec des milliers d’inconnus aux motivations variées. Je veux vivre ce nouveau chapitre de ma vie pleinement, sans le polluer d’ambiguïtés passées. Je veux vivre, sans nuages, la relation dont je n’osais même pas rêver. Je n’en reviens pas de ma chance, et je ne vais pas tenter le diable.
Car il n’y a qu’une chose à retenir, que vous soyez parmi mes proches ou non : je suis heureux, je suis amoureux, et j’ai beaucoup de chance de vivre ce que je vis actuellement. Je suis très reconnaissant de cette chance inouïe, de vivre un amour aussi puissant et sincère, à un âge comme le mien et après avoir eu tant d’occasions d’être déçu et blasé. Je suis impatient des prochains mois, à la fois comblé et angoissé de ma joie, je ne sais pas s’il est possible d’être plus heureux que je ne l’ai été ces derniers mois.
Newera
septembre 11, 2023 at 5:30Il est vrai qu’il a été possible de te voir enfin/vraiment sourire.
Intéressant de voir tes « chroniques de San-Francisco » et de lire cette mise au point.
C’est bien de te voir progresser intellectuellement sur ton rapport a Instagram et réseaux. La morale « ne jamais dire jamais ».
Le constat du couple ouvert est le tiens mais attention à l’avenir, c’est du travail….
Bonne continuation
Matoo
septembre 12, 2023 at 10:48Ce qui est cool c’est de vous savoir amoureux et plutôt en forme tous les deux, c’est important et un soulagement pour ceux qui vous aiment bien. 😉
Neo Vinshlor – MatooBlog
septembre 12, 2023 at 2:38[…] Il était en couple avec quelqu’un depuis pas mal d’années, assez pour les avoir identifié ainsi tous les deux sur les Internets, et en avoir construit une image, mais une de ces images dont le filtre des réseaux sociaux ne veut finalement pas dire grand chose. Et je peux largement m’identifier à ce sujet. Huhuhu. De même, je m’identifie aussi très bien au passage suivant de son dernier article. […]
Orpheus
septembre 18, 2023 at 10:09Awww ! La lecture de ce billet donne des frissons de plaisir pour vous et le sourire aux lèvres. Bonne route !