Cet été est passé comme un week-end, je n’ai pas l’impression qu’il a duré trois mois. Ou alors, c’est seulement que tant de choses se sont passées depuis la reprise que ma perception du temps s’est, comme souvent, réduite. Je me demande (c’est une marotte chez moi ces temps-ci, la fin de trentaine me travaille un peu) si c’est un effet de l’âge, ou plus simplement de nos emplois du temps qui ne sont plus du tout calqués sur les vacances scolaires, mais les mois d’été n’ont plus la même saveur, plus la même intensité. Leur bénéfice fond plus vite, leurs plaisirs semblent encore plus éphémères. Les moustiques et les guêpes ne me manqueront pas, cela dit, mais les ai-je tant vus que ça, cette année ? Juillet me semble déjà loin, et comme j’ai pris mes congés en août et septembre, juillet n’avait pas un goût d’été en dépit de la canicule. C’est comme si l’été n’avait duré que trois semaines.
Plus le temps passe, plus je tends à confondre l’été avec mes congés d’été. Et c’est trop peu, bien sûr. Il faudrait que j’apprenne à mieux profiter de la vie quand je travaille, moi qui ne suis pas un amateur de terrasses et de bières à la sortie du travail ou d’activité sportive. Je ne sais pas, un truc à faire en plein air quand reviennent les beaux jours, pour avoir la sensation de les vivre un peu.
Après le semi-fiasco des vacances en Provence, les quelques jours à Sitges pour assister à la fin de la bear week étaient les bienvenus. Plus ou moins consciemment, d’ailleurs, c’est ce qui nous avait aidé à tenir, à ne pas être trop dégoûtés de nos vacances flinguées : il nous restait encore un rattrapage en septembre. Comme le bac ou les partiels de la fac. Les vacances ne sont qu’un examen à réussir ou à rater. Le plus important c’est de pouvoir dire qu’on les a réussies, à la rentrée. Sinon c’est encore un truc de nos vies de privilégiés dans lequel on n’a pas surperformé.
La bear week était ce qu’on m’en avait décrit : beaucoup de monde ; trop, souvent. Des mecs d’Instagram que tu n’aurais probablement jamais croisés sans ça. Des timides. Des starlettes qui ne te calculent pas. Quelques-uns avec qui tu noues contact. Des plans cul perdus de vue depuis 2018. Des mecs que tu vois pour la première fois avec leur mec. Des anonymes. Des langues amies dans la pénombre des bars après 23h. Des regards échangés en coin et des coups de cœur qui durent cinq minutes. Des promesses qu’on ne tiendra pas. Des mecs de plus en plus soûls au fur et à mesure de la soirée, pendant que toi tu restes au coca. Ça baise singulièrement peu, pour un truc avec une telle aura d’orgie à ciel ouvert. En vrai tout le monde flirte mais personne ne fait grand-chose. Chacun attend de nouveaux woofs, de nouveaux taps sur les applis, chacun attend de croiser un mec encore mieux que toi cinq minutes plus tard. Personne ne s’engage au-delà d’un baiser, même si de temps en temps on en voit deux disparaître pendant quelques dizaines de minutes, probablement pour rejoindre une backroom ou une chambre d’hôtel, et revenir comme si de rien n’était. Mais ce n’est pas vraiment le cœur de la dynamique de ces soirées surpeuplées.
J’ai passé un bon moment, à peine gâché par l’impression d’être décevant, en deux ou trois occasions. Je reste trop attentif à ce qu’on pense de moi, dans un environnement où pourtant personne ne voit plus loin que son propre intérêt, son propre égo, sa propre capacité à galocher un mec dans les deux prochaines minutes, et pas beaucoup plus. Il faut accepter la superficialité des choses, parfois, la prendre telle qu’elle est et avec ce qu’elle peut apporter d’agréable, ne pas s’offusquer de la désinvolture de l’autre, ne pas s’autoflageller des heures non plus parce qu’on a été désinvolte à son tour, qu’on n’a pas communiqué assez clairement et qu’on l’a vexé un instant. Chaque interaction amène son lot d’inédit, d’attentes satisfaites, d’enthousiasme éphémère, de naïf boost d’égo, d’attentes déçues, aussi. Le mec a l’air fou de toi pendant deux minutes, mais il s’en fout et passera à côté de toi sans te calculer deux heures après. Toi aussi d’ailleurs, tu n’es pas là pour trouver un mari et tu sais bien que tu vas pas faire ta vie avec cet Américain qui sera reparti le lendemain. On est tout simplement trop nombreux, ici pour une euphorie temporaire qui ressemble parfois à la réalité. Ce contexte de désengagement amical et sentimental, où tu ne sais pas exactement sur quel pied danser entre grosse implication physique, tendresse et désintérêt quasi-immédiat, m’a un peu perturbé sur la fin. Me prenant peu à peu au jeu, j’ai fini par avoir un ou deux échanges confus avec des mecs qui m’avaient mal compris et que j’ai vexés, je crois, sans en avoir l’intention. Ça m’a un peu travaillé sur le chemin du retour, où de toute façon j’avais mal au crâne et bientôt de la fièvre : la tradition veut qu’on revienne presque toujours malade de Sitges.
Mais au-delà de quelques interactions un peu plus marquantes que d’autres, ce que je retiens de ce dernier passage en Espagne, et qui ne m’avait pas frappé en Provence tant j’avais l’esprit occupé, c’est que cela m’a fait le plus grand bien de voir la mer, de m’y baigner, de la regarder. Je ne suis pas un fan de plage. J’ai tendance à préférer la piscine. Je n’aime pas avoir du sable dans les chaussures et dans la raie des fesses. Je n’aime pas la sensation de ma peau sèche couverte de sel qui accroche sous mon T-shirt. Mais j’aime la sensation des pieds qui touchent le bord de l’eau pour la première fois, du soleil qui frappe le visage par ricochet depuis la surface de l’eau pendant qu’on se baigne inconscient de la chaleur, de la peau fatiguée à 19h quand on rentre de la plage et qu’on sait qu’une douche et une couche d’après-soleil l’attendent. C’est probablement la quintessence de ce qui me fait me sentir en été. Évidemment il y a eu des aventures estivales tout au long de cet été, le Gers, les pique-nique, les soirées dans les parcs, les amis, les trajets inhabituels qui sentent le road trip. Mais c’est comme ça, la mer, c’est quand même un truc à part. Et pendant quelques jours, grâce à Sitges, entre deux flirts et trois apéros, in extremis car déjà en septembre, je me suis senti en été en 2022.
Matoo
septembre 19, 2022 at 12:16Heureusement que ça a un peu rattrapé le début des vacances, c’est déjà ça. Ce que tu décris pour la bear week est assez terrible, mais tellement réaliste et attendu au final. Mais vous étiez avec vos potes, et l’amitié c’est au moins là pour moins décevoir en fin de compte (ce qui n’était pas une conclusion évidente avec vos vacances en Provence. ^^).
Vinsh
septembre 19, 2022 at 12:23L’amitié, c’est assez fiable, oui, comme terreau pour les vacances. 😉
Quoique là aussi, il y a des fluctuations : d’humeur, de motivation, d’alignement. Mais effectivement, on a bien rigolé, ce qui aide toujours. :p