Mon moral vacille. Je suis généralement très malheureux lorsque je suis malade. J’en perds souvent, au-delà de la motivation, tout élan pour les choses de la vie quotidienne. Et malheureusement, depuis le début du mois de décembre, les soucis respiratoires ne me lâchent plus. Ça a d’abord été le nez pris, puis c’est retombé dans la gorge, avant de s’attarder pendant une dizaine de jours, et les corticoïdes et sirop à la codéine ont ensuite eu raison de mon œsophage, chaque année irrité par les remontées acides consécutives à ces inévitables traitements. Désormais, l’œsophage, tout au fond de ma gorge en bas de mon cou, me gratte en permanence, alors que je ne suis plus malade. Je tousse donc dans le vide, avec l’espoir, jamais satisfait, de réussir à gratter cet endroit où se rejoignent mon tube digestif et mon système respiratoire, à guetter la fausse route. Je ne parviens généralement qu’à faire remonter un épais et dégueu mucus pulmonaire translucide. Mais aucun soulagement excédant les trente secondes.
Cette toux quasiment constante a bien évidemment pour effet secondaire de me faire mal au crâne et aux côtes. Et comme je suis idiot, j’ai passé trois heures samedi dernier sur l’esplanade du Trocadéro, par -2°C, vêtu d’un manteau clairement fatigué et d’un pantalon manifestement trop fin. Le petit coup de froid m’a donc ressaisi le nez, et me voilà reparti pour un tour jusqu’en janvier. Au bout de trois semaines, à ce régime, je suis à peu près dans cet état :
Ma libido est au point mort. Ma capacité de concentration est d’environ deux minutes d’affilée. Et ma forme physique et mon énergie sont comparables à celles d’un nourrisson de deux mois qui n’a jamais dormi que trois heures par nuit depuis sa naissance. Je suis une grosse boule de contrariété qui réclame à boire au milieu d’une montagne de kleenex humides, en toussant à vide comme un tuberculeux. En un mot comme en cent : je n’en peux plus, à quelques jours des fêtes de Noël, qui sont toujours un moment que j’appréhende en décembre.
Je trouve toujours curieux ce phénomène d’amnésie autour de l’état dans lequel me mettent mes angines et rhumes d’hiver. Chaque année, après le printemps, cela semble oublié. Alors que sur le coup, j’ai envie de me taper la tête contre les murs et d’appeler tous les gens que je connais en pleurant pour me plaindre de ma souffrance, tellement énorme et injuste.
J’ai ce défaut très courant chez les hommes urbains : je ne suis pas très dur au mal. Je suis même assez douillet. Chochotte, aurait-on dit dans le temps. On me l’a déjà dit, d’ailleurs. En fait, dès que j’ai un bobo ou un micro rhume, je ne suis tout simplement plus bon à rien.
15 jours sans blog, donc. Non pas qu’il me serait arrivé quoi que ce soit de passionnant pendant cette période, mais forcément, être tout mou et dépourvu d’énergie n’a pas beaucoup contribué à enrichir mon programme classique de décembre : finaliser le shopping de Noël, boucler les dossiers du bureau, rester enfermé chez moi le soir en mangeant de la confort food, devant des séries stupides. Les dernières forces de l’année jetées dans ces pourtant prévisibles routines, comme si on allait par magie se recharger comme un iPhone sur secteur dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Le fantasme de la page qui se tourne. Ma vie n’est vraiment pas très intéressante.
Il y a bien eu une vague engueulade avec ma mère (enfin c’est plutôt elle qui m’a engueulé, moi je suis resté assez stoïque), mais rien qui vaille de s’attarder dessus. Disons que j’avais tort. On va résumer en disant que je ne suis pas quelqu’un de très inquiet. Et donc pas quelqu’un de très sympa. Mais ça, je le savais déjà. L’histoire m’a quand même affecté quelques jours. Et puis comme à chaque fois, j’ai accepté de ne pas penser comme elle, ce qui ne fait pas nécessairement de moi quelqu’un de malveillant. Je suis simplement dans mon mode de pensée, et cela génère parfois des réactions (ou absences de réaction) qu’elle prend mal. Je ferai plus attention, mais il y a fort à parier qu’un incident diplomatique chassera le précédent, quoi qu’il arrive.
À mesure que la fin d’année approche, je me surprends, non pas à m’inquiéter d’un quelconque bilan de l’année 2022, mais à m’interroger sur ce qui va meubler cette période d’une dizaine de jours pendant laquelle je serai en vacances, mais sans programme précis. Noël s’organise chaque année de la même manière, et nous trouvons toujours une soirée plus ou moins formelle pour passer le 31, mais il y a chaque année cette espèce de no man’s land entre le 26 et le 30, dont on ne sait pas trop quoi faire, et qui se change au final en une période un peu frustrante d’errements entre deux destinations. Je ressors généralement des vacances de Noël avec l’impression d’avoir perdu beaucoup de temps à glander chez mes parents, puis chez moi, puis chez des amis, et de n’avoir rien fait d’intéressant. Les souvenirs sont peu marquants, c’est chaque année un peu pareil. Je ne participe même pas aux conversations de début d’année sur le pétage de bide ou les kilos pris pendant les fêtes, puisque, en dehors de quelques repas (sur plus de dix jours), comportant des mets un peu inhabituels du genre saumon ou foie gras, on ne peut pas dire que les fêtes de fin d’année soient pour moi synonymes d’une significative prise de poids. La bouffe ne m’intéresse pas assez. Les cadeaux me font plaisir mais j’oublie toujours assez vite à quelle occasion on me les a offerts. Les retrouvailles familiales n’ont jamais la chaleur des souvenirs d’enfance. Trop de tensions accumulées avec le temps. Plus aucun d’entre nous n’est un enfant.
En fêtant le nouvel an à Lyon le 31, je ne serai probablement toujours pas dans l’instant présent. À contempler 2023 et ses promesses plus ou moins joyeuses, ou à rembobiner ces dix jours dont, comme chaque année, il ne me restera rien ou presque.