Je m’étonne que The Long Walk de Stephen King n’ait jamais été adapté auparavant, ne serait-ce qu’en téléfilm, mais le film de Francis Lawrence (à la tête de la saga Hunger Games depuis le deuxième volet en 2013) est bel et bien la première tentative finalisée d’adaptation de ce roman de 1979. Et ce n’est pas forcément étonnant de trouver Lawrence derrière la caméra ici, tant le film et son pitch ont un parfum de Hunger Games on the road. J’ai trouvé le film plutôt bon, malgré un léger problème de rythme sur la deuxième moitié, et je trouve appréciable que, dans un univers aux enjeux similaires à celui créé par Suzanne Collins, le réalisateur et les producteurs n’aient pas eu peur d’illustrer la violence impliquée dans toute son horreur. The Long Walk est ainsi Rated R aux Etats-Unis, quand la saga Hunger Games est généralement dans la classification PG-13. Peut-être parce qu’avec le roman de Stephen King on n’est pas dans une saga Young Adult qui a vocation à engendrer cinq ou six suites où il serait de bon ton de réussir à attirer le maximum de public. La saga Hunger Games a ses éléments horrifiques, bien sûr, mais les morts y sont souvent proprettes, voire hors-champ. Dans The Long Walk, des trucs horribles et extrêmement violents arrivent aux personnages, et le film ne se prive pas de les montrer à l’écran: balles dans la tête, égorgement, défécation, écrasement, doigts d’honneur, et le mot fuck est prononcé 286 fois en deux heures. On est loin d’une classification PG-13, et je crois que cela explique en partie les résultats en demi-teinte du film au box office jusqu’à présent. Peut-être le film aurait-il dû sortir en octobre, au milieu de tous les films d’horreur qui inondent le salles à l’approche d’Halloween, avec son cachet de “film d’horreur grand public” et son casting de prestige (Cooper Hoffman, Mark Hamill, David Jonsson, Judy Greer). Quand on sait que le nom de George Romero a longtemps été associé au projet d’adaptation du roman de Stephen King, on se dit que la stratégie marketing aurait été bien différente. Mais avec un mec comme Lawrence aux commandes, c’est l’angle “dystopian young adult” qui transparaît sur les affiches et dans les trailers, alors que la dimension horrifique et gore est nettement plus présente qu’elle ne l’est habituellement dans ce genre de film. Cela m’a donc surpris de voir des effets visuels aussi crus à l’écran, mais je trouve que c’est appréciable, justement, de ne pas atténuer la violence pour la rendre plus “consommable” en mâchonnant son popcorn.
Sinon, comme ce n’est pas une saga, le film a les qualités et les défauts auxquels on pourrait s’attendre, qui peuvent s’avérer frustrants quand on est habitués à des univers contextualisés et fouillés sur plusieurs films : pas forcément le temps ni l’ambition de développer l’arrière-plan et le contexte global qui permet à ce genre de violence institutionnalisée de prendre place, impression de voir une figure autoritaire supposément d’importance nationale passer un peu trop de temps à superviser cinquante gamins, foule en délire de quarante figurants qui apparait et disparait du décor dans la même scène (on va dire que c’est un parti pris symbolique au sein de la scène en question, mais bon). J’aime bien que le film se tienne tout seul et n’appelle pas nécessairement de suite, même si la fin m’a un peu laissé sur ma faim et que la déformation de vingt ans de sagas young adult au cinéma m’a automatiquement fait penser à la possibilité d’une suite pour développer et mettre en scène la réaction du régime autoritaire aux événements du premier film pour “punir” les actes de rébellion. J’aime aussi la manière subtile dont le film utilise les backgrounds d’acteurs comme Cooper Hoffman (dont les lignes de dialogue les plus significatives parlent du père) ou Mark Hamill (transfuge d’une autre saga sur l’autoritarisme, ici farci de répliques crypto-trumpiennes) pour multiplier les niveaux de lecture. Mais c’est David Jonsson qui, après Alien: Romulus l’année dernière, tire de nouveau son épingle du jeu et se révèle comme le cœur battant et le centre moral du film. J’espère qu’il va vraiment percer auprès du grand public dans les prochains mois, car il a un charisme fou et une compassion dans la voix et dans le regard qui me le rendent profondément sympathique. Comme souvent à Hollywood, il n’est paradoxalement pas américain mais encapsule à merveille une certaine idée de ce qu’est la culture et l’identité américaine. La qualité globale du film lui doit beaucoup.
Matoo
septembre 23, 2025 at 11:11Ah c’est cool pour David Jonsson, je l’avais vachement aimé dans Alien. Je ne peux pas voir ce film en revanche, ça va beaucoup trop me faire de mal à mon petit cœur sensible. :)))
Vinsh
septembre 23, 2025 at 4:07Ce n’est pas bien plus déprimant que Battle Royale, va. Mais oui, David Jonsson est vraiment excellent.