Le nouveau classique

 

 

 

On s’emmerdait un peu dans cette quinzième saison de Drag Race US, qui semblait jusqu’à présent mollement se diriger vers un sacre sans surprise de Sasha Colby, une superstar du drag américain dont la seule annonce de la présence dans la saison semblait avoir plié le game, ce qui s’est confirmé dans les premières semaines de la saison, qu’elle s’est mise à dominer tranquillement, sans en faire des caisses.

 

Il y a bien sûr quelques figures émergentes, révélations de la saison, qui iront dans le top 4 avec Sasha : Mistress Isabelle Brooks et Luxx Noir London, jusqu’à présent, sont des queens assez dominantes de cette saison 15, le montage et la production les mettent clairement en avant comme des personnages principaux de la saison. Mais on s’ennuyait un peu. La saison a un petit côté « en pilote automatique », un peu inquiétant pour une grosse machine comme celle-ci, locomotive de toute la franchise Drag Race à travers le monde. La faute, probablement, à cette décision absurde de World of Wonder, en concertation avec son nouveau diffuseur MTV, de réduire la durée des épisodes à 40 minutes, afin d’avoir le temps, entre deux tunnels de pubs, de mettre en place les vendredis soirs une soirée LGBT sur l’ex-chaîne musicale, où s’enchaînaient RuPaul’s Drag Race et The Real Friends of WeHo, une sorte de Real Housewives avec des pédés friqués, que personne n’avait réclamé et qui se mangea immédiatement un énorme backlash, les fans de Drag Race estimant que leur émission favorite avait été injustement rognée juste pour faire de la place à cette daube. 

 

Et effectivement, dans une saison avec 16 drag queens sur la ligne de départ, des épisodes de 40 minutes, réduisant drastiquement le temps d’antenne des challenges, des délibérations du jury, des défilés ou des interactions entre les queens dans la workroom, il est vite devenu évident que la saison 15 allait manquer de rythme. Pas assez de temps pour faire connaissance avec les queens, pour comprendre les dynamiques relationnelles entre elles (lesquelles sont copines, lesquelles se détestent, lesquelles se soutiennent et s’entraident sur les challenges pour lesquels elles sont moins compétentes…), et au final pour s’y attacher. On voit bien que Sasha Colby est une pro, mais on n’a pas le temps de la trouver drôle ou adorable, tant la saison déroule vite pour faire rentrer chaque épisode dans 40 minutes. On ne voit pas les jurés délibérer après les runways, donc on ne sait pas trop ce que RuPaul ou Michelle Visage reprochent de manière récurrente à telle ou telle queen. On est moins embarqué dans l’histoire de la saison qu’on ne le devrait. Quelqu’un a très justement tweeté que le slogan de Untucked, le programme parallèle de RuPaul’s Drag Race qui filme les candidates pendant qu’elles débriefent en coulisse après la fin du challenge (et qui suit ensuite la drag queen éliminée de la semaine pendant qu’elle remballe ses affaires), n’avait jamais aussi bien porté son slogan : « If you’re not watching Unticked, you’re only getting half of the story ». Littéralement, oui. Sans Untucked, cette saison, il était quasiment impossible de faire un peu connaissance avec certaines des candidates, très peu mises en avant dans les épisodes de Drag Race.

 

Heureusement, ce 11 mars, la première saison de The Real Friends of WeHo étant terminée, les épisodes de 60 minutes sont revenus. Et on a enfin vu un peu les queens préparer un challenge, exprimer des doutes dans les confessionnaux, s’entraider, discuter plus de quinze secondes d’un sujet qui les touchait. On a enfin assisté à une délibération entre RuPaul et son panel de juges. Et surtout, on a enfin eu un lipsync qui durait plus d’une minute trente à l’antenne. Et quel lipsync ! Comme un but de la tête en football, mais pour les gays, ai-je lu ici ou là. Comment saurais-je ? 

 

Boss Bitch devrait sans peine s’imposer parmi les meilleurs lipsyncs de la saison, voire de la série entière, dans les prochains mois. Au-delà de la trouvaille « Free Willy », les deux queens en lice, Anetra et Marcia Marcia Marcia, ont chacune proposé une interprétation personnelle de la chanson, tantôt sérieuse tantôt humoristique, avec une énergie communicative et une créativité visuelle de chaque instant. Les images du jury laissent clairement transparaître à quel point ils ont kiffé, et devant mon écran, moi aussi j’ai senti au fur et à mesure de la prestation mon rythme cardiaque accélérer et mon pied battre la mesure : j’ai été totalement embarqué par le truc, c’était l’un des meilleurs lipsyncs de RuPaul’s Drag Race depuis longtemps. Un nouveau classique du lipsync.

 

Sans pour autant que ça rebatte complètement les cartes, cet épisode replace Anetra, un peu invisibilisée au montage depuis son premier challenge remporté en début de saison, au centre de l’échiquier de la saison 15. Sa place en finale me semble désormais, sauf surprise, quasiment garantie, car comment RuPaul et la production pourraient-ils se priver de la voir nous sortir un lipsync acrobatique en finale, devant un public en furie. 

2 thoughts on “Le nouveau classique

  1. Matoo

    mars 16, 2023 at 11:20

    Ah bah tu me redonnes un peu d’espoir, je galère dans les premiers épisodes là, et je n’arrive pas à me motiver à avancer tant je trouve tout ça chiant. :-/

    • Vinsh

      mars 16, 2023 at 11:55

      Oui, c’est très difficile de s’attacher aux queens et de vraiment développer des interactions entre elles, des histoires et au final des enjeux, dans un format de 40 minutes. On se rendait pas compte, vu comme tous les épisodes étaient hyper formatés jusqu’à présent, d’à quel point ces séquences (les queens discutant dans la workroom, les délibérations du jury, les amitiés et alliances de soutien qu’on voit se développer ici et là) étaient importantes pour rendre le contenu intéressant et addictif. Là tout va trop vite et on a l’impression de ne connaître personne, même pas les queens les plus mises en avant. :-/

      Le retour aux épisodes d’une heure devrait arranger ça (même si c’est un peu tard).

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