open space

J’ai toujours détesté les open spaces. Le micro-management, les remarques sibyllines sur l’heure à laquelle tu arrives ou sur tes pauses pour aller aux toilettes, le collègue qui braille au bureau d’à côté quand tu as un client au téléphone ou que tu essayes de te concentrer sur un truc, les messages passifs-agressifs dans le chat collectif sur le mug de café que tu as le droit ou pas d’avoir sur ton bureau… Honnêtement, cela contribue largement à mon humeur massacrante le matin. Non pas que ce soit le seul facteur d’insatisfaction, puisque je ne suis pas du genre à me satisfaire de grand-chose, mais c’est vraiment un facteur-clé de ma perception de ma qualité de vie. J’ai toujours rêvé d’avoir un bureau individuel, un endroit calme ou je pourrais m’organiser en toute autonomie et faire mon job sans ingérences extérieures constantes. Mais j’ai choisi le mauvais métier et la mauvaise époque, je suppose. Enfin, “choisi”… Je reste convaincu qu’on ne choisit pas grand-chose. On ne choisit pas quand on est né, et certainement pas son job et sa carrière, contrairement à ce qu’on essaie de se raconter. Prends mon job actuel : ce n’est pas comme si je l’avais choisi parmi une dizaine d’autres opportunités mirobolantes pour les étrangers sous visa aux Etats-Unis. C’est mon job mais c’est surtout la seule solution viable que j’ai trouvé pour rester ici le temps que mon visa expire. Je trouve un peu grotesque que ce qui est né d’une nécessité doive être présenté au monde extérieur et aux employeurs comme un choix, un pur libre arbitre. Moi en tout cas, je n’y arrive pas. On fait ce qu’on peut avec les opportunités qu’on a eu, et elles sont rarement nos premiers choix. Après avoir envoyé 500 candidatures, tu penses bien que mon “libre arbitre” carriériste se situait plutôt parmi les 10 premières, et qu’au bout de 200 CVs envoyés tu n’es plus tant dans le plein choix passionné pour les jobs auxquels tu postules que dans la nécessité de trouver un truc, vite, qui va te permettre de payer ton loyer et de ne pas te faire expulser. Pourquoi faut-il absolument raconter autre chose, à soi-même et au reste du monde, pour ne pas passer pour un loser asocial ? Mais le narratif de la lose et de la galère, ce n’est pas vraiment l’esprit ici. On te somme d’être tiré à quatre épingles même quand tu ne croises jamais un client ou même un supérieur hiérarchique de plus d’un degré au-dessus de toi, d’être hyper enthousiaste, et de donner l’impression que tu t’éclates, alors que concrètement tu te fossilises devant un PC, à faire des trucs pas très stratégiques et pas très intéressants, au milieu de trente autres personnes qui elles aussi préfèreraient être dehors à faire autre chose, ou au pire être dans un espace plus intime et mieux payé pour faire la même chose. C’est la culture du “amazing”, du « good morniiiiing » et du “greeeeeaaaat” qui semble s’étaler sur cinq syllabes dans les conférences sur Zoom avec un sourire ultra bright. Autant te dire qu’avec moi ils sont servis. C’est le charme français à l’œuvre, qui me vaut les conversations de machine à café sur ma culture de révolutionnaire, les clichés sur les grèves, les gauchistes et les salariés qui s’accrochent comme ils peuvent au droit du travail dans un système qui cherche à les en dépouiller. Pourquoi suis-je même surpris que la “corporate America” et moi, on se cherche encore une longueur d’ondes en commun ?


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*