rester présent

Je le savais avant de venir vivre ici, neuf heures de décalage horaire, c’est assez bâtard. Je suis occupé le matin ou en pause déj le midi lorsque, théoriquement, mes amis et ma famille en France seraient disponibles pour un appel ou un Facetime, et le reste du temps ce sont soit eux qui dorment, soit moi. Dans ces conditions, maintenir les relations et les conversations quotidiennes s’avère compliqué, surtout depuis quelques semaines, maintenant que mon emploi du temps n’est plus celui d’un étudiant. L’été a fait son œuvre, aussi, avec tout le monde par monts et par vaux, et les Zoom collectifs hérités de la période des confinements de 2020 ont disparu le temps que chacun parte vaquer à ses propres occupations pour les grandes vacances. L’expression “grandes vacances” est revenue dans notre vocabulaire, aussi, maintenant que tout ce petit monde a des enfants scolarisés.

Tout cela pour dire que ces derniers mois m’ont un peu coupé de mes proches en France, à la notable exception de ma mère qui est toujours aussi insistante pour avoir des nouvelles toutes les quarante-huit heures, quelle que soit l’heure. Je ne cédais pas à cette pression quand je vivais en France, mais les circonstances de ma venue ici l’ont mise dans un tel état de stress, et je culpabilise tellement, que je me livre sans broncher à un debrief de mon emploi du temps un jour sur deux. Je me sens un moins mauvais fils. Je ne me sens pas isolé pour autant, puisque peu à peu j’investis ma présence à San Francisco en sortant et en commençant à développer mes propres nouvelles relations ici. Cela prend du temps, surtout à mon âge, de s’intégrer quand on est tout nouveau dans le paysage. Je m’habitue aux codes de la communauté gay locale, qui est sensiblement différente de celle de Paris dans laquelle j’ai navigué pendant quinze ans. Mais le fait d’être français me donne une aura, un exotisme un peu bizarre, qui facilite étrangement les premiers échanges avec les gens. Un lubrifiant social en quelque sorte, puisque ma nationalité et mon accent sont des anomalies ici. Pour ce qui est de rester présent auprès des amis en France, je bénis les réseaux sociaux, et je suis content que les boycotts d’Instagram et de Whatsapp (proprietes de Meta) qui semblaient s’amorcer en debut d’année n’aient finalement pas pris, puisque cela me permet de retrouver et de maintenir un semblant de lien quotidien, tout superficiel soit-il, avec mes amis. Si je t’envoie un Reel, ou plusieurs, dans la nuit, ça veut dire que j’ai pensé à toi, et que si neuf heures ne nous séparaient pas cela me ferait plaisir de te voir ou de te parler.

6 thoughts on “rester présent

  1. William

    août 25, 2025 at 10:10

    En quoi cette communauté est différente ?? Détails, on veut des détails.
    Et merci pour les réels…

    • Vinsh

      août 25, 2025 at 6:37

      La communauté gay de SF est très américaine dans sa mentalité (beaucoup de dating et de situationships où tu ne sais pas trop sous quelles règles tu « joues » avec la personne, une parade amoureuse très « chorégraphiée » avec ses passages obligés, des tribus très organisées avec leurs assos et leurs événements intra-communautaires, etc.) mais aussi beaucoup plus ouvertement « cul » que celle de Paris, et un rapport d’attachement farouche aux libertés, sexuelles ou non. Beaucoup plus festive aussi en général (beaucoup plus de soirées et de sollicitations liées à l’alcool ou à la drogue qu’en France, je trouve), mais c’est peut-être simplement ma perception de célibataire, vu que j’ai largement abordé la vie gay parisienne en tant que mec en couple.

  2. Matoo

    août 25, 2025 at 11:37

    Tu penses à moi ET à William !! Je m’offusque !! 😀 😀 😀

    • Vinsh

      août 25, 2025 at 6:37

      Il y en a pour tout le monde !

  3. Orpheus

    août 25, 2025 at 1:02

    Au moins tu as une bonne raison d’être en décalage avec ton entourage ! J’en connais qui sont sur le même fuseau horaire et qui me donne la même impression
    Embrasse la Coit Tower pour moi…

    • Vinsh

      août 25, 2025 at 6:38

      Je n’y ai toujours pas mis les pieds mais j’y penserai quand j’irai la visiter ! 🙂

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